#autre part3

Le vaisseau était arrivé à bon port. Les géants pouvaient contempler les mondes nouveaux qui les accueillaient.

Ce qu’ils avaient devant leurs yeux n’était pas comme ce qu’ils avaient connu dans le passé.

Celui-ci était un monde de lumière. Rien ne ressemblait à l’image de la réalité. Ils ne s’en souciaient pas...

Tout ressemblait aux rêves de Jean. Il savait ce qu’était cet univers...

Les géants n’avaient pas conscience de leur transformation dont ils avaient été la proie, elle les avait fait changer d’état. Ils avaient encore l’impression d’être des entités faites de chair et de sang ; en fait, il n’en était rien. Ils étaient, tous, devenus des énergies lumineuses, encore un peu denses pour se reconnaître les unes les autres...

Le vaisseau se posa sur son aire d’atterrissage...

Les grandes portes furent ouvertes. Les géants, comme des enfants, couraient vers le seuil. Les pilotes, ainsi que toute l’équipe des fils de Jean, les laissèrent aller vers la lumière.

Des milliers de bulles de lumineuses volaient dans le ciel. Elles accourraient, elles aussi, à la rencontre de ce peuple oublié depuis des éternités.

S’étant posées sur ce qui ressemblait à un sol cristallin, elles prirent l’aspect de formes humaines.

Certains des géants reconnurent alors les formes, les visages d’êtres chers et disparus depuis des lustres. Etait-ce là ce qu’ils appelaient le paradis ? Ils ne le savaient pas, et peu leur importait. Ils ressentaient une immense joie, une immense paix intérieure. D’autres bulles arrivaient encore. Certains reconnurent ceux qui étaient restés sur leur monde et qui avaient subi l’effroyable combat des titans célestes. Personne ne manquait. Ni les hommes, ni les femmes, ni les animaux, tous étaient réunis... Tel avait été le vœu de Celui qui sait. Si cela avait été autrement, jamais Il n’aurait pu achever ce qu’Il avait commencé...

Ainsi, la mémoire de tout un peuple fut réunie à la mémoire de l’univers. Ils ne se souciaient plus de ce que pourrait être leur avenir. Chacun ressentait les désirs et les pensées de l’autre. Plus rien ne comptait plus que cette union...

Qu’importait l’avenir, car plus jamais ils n’éprouveraient la crainte de la mort. Qu’importait l’avenir, puisqu’ils étaient une mémoire commune. Qu’importait la postérité, puisqu’ils étaient un peuple UN...

Jean était heureux. Les géants étaient redevenus des enfants rieurs, sereins. Désormais ils vivraient dans un monde d’harmonie. Harmonie des couleurs, des sons, des odeurs, des âmes.

Il savait aussi que son voyage n’était pas achevé. Pour lui, cette éternité n’était pas encore arrivée. Il devait encore rencontrer les gardiens de ce monde éternel. Il descendit de l’astronef. Il fut entouré de cette foule lumineuse, dont il ressentait une chaude sensation. Puis, les lumières firent place à d’autres. Lui aussi rencontra des êtres qui avaient disparus. Les siens... Et puis, il oublia ce pourquoi il était venu. Lui aussi sacrifia au bonheur des retrouvailles... Un moment de bonheur intense. La joie, rien que la joie...

Et puis, il y eut cette voix qui venait de nulle part...

" CEUX QUE TU CHERCHES, HORMIS TES FILS, NE SONT PAS DANS CE MONDE CI. CE MONDE RESTE CELUI DE LA MEMOIRE DE CELUI QUI SAIT. CES ETRES SONT SON PEUPLE. TOI, ET CERTAINS QUI T’ACCOMPAGNENT, VOUS N’ETES PAS SON PEUPLE, MAIS QUELQUE CHOSE D’AUTRE. CE QUE VOUS ETES, LE PEUPLE NE LE SAURA JAMAIS. RETOURNEZ DANS LE VAISSEAU. NE CRAINS RIEN POUR CEUX QUI RESTENT, TEL EST LEUR DESTIN. "

Jean fut le seul à entendre cette voix. Il en fit part à ses compagnons ainsi qu’à ses fils. Le second de ses enfants lui fit remarquer que ce message ne pouvait parvenir que d’une seule personne. La messagère aux yeux arc-en-ciel. Elle avait toujours été là pour guider Jean...

Tous les pilotes des navettes avaient déserté leurs appareils. Pour eux aussi la route s’achevait là...

Jean s’aperçut, qu’effectivement, il manquait une personne dans ces joyeuses retrouvailles. La messagère, sa seule alliée durant toutes ces années ; elle était toujours aussi insaisissable. Pourtant, ses deux fils étaient présents ! Elle, son seul amour dans un autre monde, la seule compagne qu’il eut pour le soutenir, elle n’était pas là. Il posa quelques questions à ses fils.

Le cadet lui fit part de ce qu’ils avaient entrepris avec sa mère pour le rejoindre dans cet univers. D’un commun accord, ils avaient décidé de remettre à plus tard leur arrivée dans la demeure de Celui qui sait. Sa mère savait qu’ils avaient le temps. Ils devaient d’abord le retrouver. Retrouver l’aîné aussi, sans quoi, rien n’aurait pu être sauvé.

Celui qui sait n’avait qu’une seule arme. Iris ! Elle était, à la fois, sa fille, sa maîtresse, et sa mère. Il ne décidait rien sans son avis. Quelque chose de très fort les liait pour l’éternité. Même Iris ne savait pas ce qu’était cette chose. Ce fut elle qui intercéda auprès des gardiens pour que Jean pût être soutenu par les guides. Elle alla jusqu’à prendre la forme d’une des femmes des géants pour le suivre de plus près. Elle savait qu’en agissant de la sorte, elle perdrait aussi sa mémoire. Mais seul comptait le partage de l’épreuve.

Ainsi comprit-il ce qui s’était passé. Le passage du fleuve de l’oubli avait été nécessaire. Il ne fallait pas qu’il soit tenté de retourner vers sa bien aimée... Elle ne faisait plus partie de son ancien monde, mais l’attendait sur une autre rive, sans le souvenir de ce qu’elle avait été...

Ils étaient, tous, passés de l’autre côté du miroir... Celui qui sait, restait seul pour défaire les nœuds de l’écheveau de l’histoire...

Alors Jean conçut ce que pouvait être la fin de l’histoire. Mais cela lui semblait déraisonnable, voire surnaturel. Il n’y avait pas d’autres choix, d’autres explications. Il garda au fond de lui cette découverte qu’il fit. Pour l’instant, il fallait obéir aux ordres de la voix. Repartir vers autre part. Peut-être cet endroit où résidaient les gardiens de Celui qui sait. Peut-être vers la demeure de Celui qui sait...

Le grand rêveur ©Jean-Paul Leurion 1999-

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