#Blauberg1

BLAUBERG

Un jour, Jean eut encore le souvenir d’un de ses rêves étranges.

Il se souvint d’un petit village accroché à la pente d’une montagne. Des ruelles escarpées et étroites formaient une sorte de labyrinthe inextricable. Il marchait dans ce dédale de rues quand, au détour de l’une d’elles, il aperçut un homme. Celui-ci était adossé contre un mur en torchis. Il portait un béret enfoncé jusqu’aux oreilles. Un mégot jaunâtre était coincé entre ses lèvres gercées. Impassible, il avait les yeux fixés vers ses chaussures... Jean s’approcha de lui et voulut lui poser une question. L’homme n’eut pas le temps de lui répondre. Il prit Jean par le bras, et l’entraîna au travers des ruelles. Ils arrivèrent enfin devant une masure complètement délabrée. L’homme fit signe à Jean d’entrer dans la maison. Une odeur de pourriture, et de bois vermoulu s’en dégageait. Pas accueillant...

L’homme se trouvait derrière lui. Il le poussa vers ce qui restait d’une porte. Des escaliers se trouvaient au bord, encombrés de restes décomposés, vestiges des derniers occupants...

Descendre. Il fallait descendre dans les ténèbres. Jean ne voulait pas. L’autre le poussait encore. Résigné, il commença sa descente aux enfers. L’inconnu posa son mégot. Il fermait la marche...

Ils arrivèrent au fond, dans ce qui avait été une cave. Là aussi l’odeur était forte. Plus âpre qu’en haut. Persistance de la fermentation des grappes de raisin dans les barriques de chêne étant encore en place... Ils ne pouvaient que deviner ce qui se trouvaient dans la cave. Puis, au bout d’un moment, leurs yeux se firent à l’obscurité. La porte, seule voie vers la lumière, laissait filtrer une petite lumière. Un rayon de soleil, plus fort que les autres, se faufila au travers de la porte. Il se posa délicatement sur la terre battue. Là, lui dit l’inconnu. Là se trouve quelque chose qui n’a rien de commun avec le reste.

Jean put s’apercevoir, qu’en effet, le sol avait, sur lui, la cicatrice d’une dalle de pierre.

Les scellements de la dalle étaient bien forts. Plus personne n’avait dû la soulever depuis bien longtemps. Que pouvait-elle bien cacher ?

L’inconnu fit signe à Jean de la soulever. Jean entreprit de le faire. Rien n’y fit. Elle était trop fortement scellée. Jean lui demanda de l’aide. L’autre y acquiesça. Ils s’y remirent à plusieurs fois pour qu’enfin elle cédât...

Une fois qu’elle fut dégagée, les deux hommes purent distinguer qu’elle recouvrait le puits de ténèbres insondables.

L’étranger fit signe à Jean, qu’il devait descendre. Descendre encore, là dedans, dans le noir ? Il est fou le mec se dit Jean. L’autre insista. Il fallait que Jean se noie dans cet abîme. Il n’avait d’autre choix... Il s’assit sur le bord du trou. Ses jambes pendaient dans le vide. Ses pieds cherchaient un appui où se poser. Rien. Pas question d’aller là dedans. Et puis, ses pieds rencontrèrent une prise, une marche...

Jean s’enfonça dans les ténèbres. Ses mains cherchaient l’assurance. Les parois du gouffre étaient moites. Une matière gluante collait à ses doigts. Jean fut prit d’une envie de vomir. Il se retint. Les escaliers descendaient plus profond... Au bout d’en moment, il sentit qu’il était arrivé au bout de son voyage. Il était au fond. Au fond de quoi pensa-t-il. Ses doigts cherchaient dans la nuit. Au détour de quelques pierres mal taillées, ils reconnurent les arêtes taillées de pierres qui formaient un chambranle. Une galerie s’avançait dans la pénombre. Jean put distinguer une sorte de luminosité. Il s’avança vers elle... Il tâtonna encore un moment... Il était à genou sur le sol, assurant son déplacement comme il le pouvait. Puis, ses mains touchèrent quelque chose. Celle-ci n’avait rien à voir avec le milieu. Elle était chaude, douce et sèche. Au contact de ses doigts, la lumière se fit dans l’abîme.

Jean put contempler ce qu’il avait trouvé. Entre ses mains, il tenait un objet ressemblant à un coffre. Venait-il de découvrir un trésor comme dans les contes ? Qui l’avait mis à l’abri du regard des Hommes ? Il appela son mystérieux compagnon. Il ne lui répondit pas. Jean appelait toujours. Il sentit un souffle sur sa nuque. Il fut glacé d’effroi. Qu'était-ce ? Qui rôdait derrière lui ? Les formes lacérées du visage de l’inconnu se métamorphosaient à mesure qu’il approchait de la lumière. Ouf ! pensa Jean, ce n’est que lui...

" Qu’est-ce que c’est ? " Lui demanda Jean.

L’autre ne lui répondit pas. Il faisait des gestes inintelligibles. Le regard de l’inconnu avait en lui cette étincelle de l’exaltation. Oui, certainement que Jean avait fini par découvrir le trésor que l’homme convoitait depuis longtemps. Pourquoi ne l’avait-il pas cherché tout seul ? L’inconnu ne disait toujours rien. Ils n’avaient pas le temps de remonter. Il leur fallait savoir ce que le coffre contenait. Lui aussi était bien fermé. Et puis, il y avait le poids...

Enfin ils touchèrent au but. Le couvercle du coffre céda. Il reposait sur le sol moite de la crypte.

La lumière se fit plus intense, accompagnée d’un bourdonnement imperceptible, comme si elle émanait de l’intérieur du coffre.

Ils purent distinguer qu’il enfermait une sorte de parchemin. Jean voulu le saisir, mais au moment où sa main allait toucher au but, le parchemin disparu du fond du coffre. L’inconnu fit un écart en arrière, et poussa un grognement qui ressemblait bien à un juron. Les deux hommes se dévisageaient. A qui la première question ? Jean prit l’initiative. L’autre ne pouvait que hausser les épaules. Au mieux, continuait-il de gesticuler en poussant des borborygmes inexplicables. Jean lui fit comprendre, qu’ils devaient sortir le coffre. L’autre ne semblait pas l’entendre de la sorte. Jean se résigna. Il savait qu’il ne pouvait pas le sortir seul de la crypte. Il reviendrait. Il reviendrait avec le matériel nécessaire... Cet endroit avait une énigme à résoudre. Jean aimait ça... Il reviendrait...

Ce furent là, les dernières images de ce rêve...

Il s’accrocha à cette vision. Il voulait en savoir d’avantage. Le coffre, que représentait-il ?

Il avait pu distinguer des détails, comme voir ce qu’il renfermait. Cela devait avoir de l’importance. Et puis, il y avait cet étranger. Qui était-il ? Ce qui se passait dans le monde réel, se passait comme dans le monde des rêves. Des étrangers intervenaient dans sa vie, mais ne voulaient pas que leurs personnes soient dévoilées. Cela le troublait terriblement. Il ne voulait pas sombrer dans la folie. Il fallait trouver quelqu’un qui put lui donner des explications...

Le grand rêveur ©Jean-Paul Leurion 1999-

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