#autre part4

Ceux qui furent choisis pour le dernier voyage furent au nombre de trente et un.

Personne ne sut jamais, que le pilote était un des gardiens de Celui qui sait.

Ils remontèrent tous dans le vaisseau spécial, celui qui avait l’aspect d’un cristal gigantesque et qui portait sur ses flancs le signe de Jean.

Les compagnons de Jean n’avaient jamais pensé découvrir quelle était cette matière étrange qui composait l’astronef.

Dégagés de leurs désirs humains, ils n’avaient que la soif de la connaissance. Ils tentèrent de se rappeler les connaissances acquises auprès des pilotes et des instructeurs. Ils étaient seuls devant leur ignorance. Les instructeurs durent rester auprès des peuples. Tel était leur rôle.

Ne trouvant pas de réponse, Jean et ses amis cherchèrent la solution de ce mystère auprès du seul pilote qui leur restait.

Il ne put leur répondre. Dans le monde des gardiens, pas un seul ne savait d’où venait ce vaisseau. Ils ne savaient pas non plus quelle était cette matière. La seule chose qu’ils savaient c’était qu’elle était présente partout dans leur monde...

Jean fut intrigué par cette réponse. Comment les gardiens de Celui qui sait pouvaient-ils être aussi ignorant de la chose qu’ils gardaient ? Il se souvint des sages et du peuple d’Héolagampa. Eux aussi avaient perdu la mémoire de ce qu’ils gardaient. Alors, toute l’histoire de l’univers serait-elle liée à la même formule ?

Si tel était le cas, alors toutes les solutions devaient s’effondrer. Tous les systèmes de références n’avaient plus raison d’être. Et quoi d’autre pour les remplacer ?

Tout ce qui avait été, tout ce qui devait être, pourquoi ? Juste un désir ? Est-ce que l’univers devait être comme un enfant voulant s’affirmer dans un monde inconnu de lui, sans notion de temps et d’espace ? Etre, être seulement, et le savoir...

L’image d’un univers ressemblant à un serpent qui se mordait la queue. Voilà l’idée qui s’imposait. Elle n’était pas nouvelle. Jean l’avait vue sur des parchemins et des monolithes très anciens. Les ancêtres des géants avaient émis l’idée de ce genre d’univers. La mutation. Le changement de peau, tout y était conforme. Mutation de la taille, mais persistance de la forme et des fonctions... Pourtant, l’image du serpent se mordant la queue... Cela ne s’était jamais vu dans la réalité. L’univers était-il l’image de la réalité ? Jean ne le savait plus très bien... La seule Vérité devait être, et rester l’existence de Celui qui sait. Lui seul savait l’explication de ces choses. Même Iris ne donnerait jamais d’indices...

" Peut-être, disait le pilote, peut-être que rien ne se crée, rien ne se perd, tout se transforme... "

Tout se transforme. Ils avaient eu l’occasion de le voir avec le peuple des géants... Mais pour eux ?

L’astronef avait fini de quitter les abords de l’univers. Ils abandonnaient la mémoire des peuples, et avec elle, ils laissaient derrière eux toutes les lois physiques de l’univers. Là où ils voyageaient, il n’y avait plus rien de commun avec ce qu’ils connaissaient. Ils ne pouvaient plus rien décrire, ni comprendre. Ils traversaient des immensités étranges. Le temps était comme suspendu. Ils n’avaient plus qu’une seule chose à faire. Dormir, et se laisser guider automatiquement vers le but ultime...

Ils étaient tous sous le charme du dieu du sommeil. Chacun fut replongé dans ses mondes de rêves. Tous cherchaient des réponses. Ils se remémoraient, sous diverses formes, ce qu’avaient été leurs vies passées, et, étrangement ce que seraient leurs vies futures... Pour certains, ce furent d’horribles cauchemars. Pour d’autres, des vies peuplées d’êtres merveilleux. Pour Jean, ce fut tout autre. Pour la première fois depuis le début de son histoire, il ne rêvait pas. Son esprit était comme arrêté. Pourtant, s’il ne pouvait pas concevoir de rêves, dans les ténèbres, il distingua une petite lueur qui vacillait. Alors, encore conscient de son état, il se dit à lui-même. 

" Cela ne va pas encore recommencer ! Juste au moment où je touche enfin au but... Non, toute cette histoire ne peut être qu’un rêve ! "

La lumière des ténèbres devenait rose doré. Puis, Jean entendit comme un léger murmure :

" Ce que tu as entendu, les faits qui se sont passés dans ce monde, tout cela est le dessein de Celui qui sait. Personne ne saurait changer le cours de l’Histoire. Mais, pour ce qui est de la fin de celle-ci, le but à atteindre, le temps n’est pas encore venu. Il te faudra encore apprendre, chercher la piste, les pistes, et tu trouveras. Retourne dans ton monde, et ainsi achève ce qu’a commencé pour toi, celui qui te parle... "

Les dernières paroles prononcées, les ténèbres furent de retour...

Un son étrange lui parvenait aux oreilles. Il tenta de lutter contre cette chose qui le retirait du chemin... Rien n’y fit. Le son devenait de plus en plus strident, de plus en plus insupportable...

Involontairement, il étendit les bras. Une de ses mains rencontra quelque chose de froid et vibrant... Le vacarme cessa... Il ouvrit les yeux...

Il se trouvait dans un lit. Les draps étaient tire-bouchonnés à l’excès. Il tenta encore de lutter pour ne pas perdre un bout de l’histoire. Ce rêve était important. Du moins, c'était ce que l’on voulait lui faire croire...

Certains détails restèrent dans les profondeurs de sa mémoire. D’autres restèrent actifs. Pourquoi ? Il ne le sut pas...

Seule restait vivante et obsédante, cette dernière phrase qu’il entendit :

"... achève ce qu’a commencé pour toi, celui qui te parle... 

Le grand rêveur ©Jean-Paul Leurion 1999-

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