#révélations1

Révélations

Jean s’était décidé. Il laisserait le monde des géants courir à sa perte. Rien de plus ne pouvait être fait. Seulement attendre ce merveilleux événement qui était promis. Encore un temps, et un travail à accomplir et le moment serait venu...

Il se décida à réunir les artisans nécessaires pour la réalisation de l’engin.

Cette machine devait ressembler à une sorte d’émetteur. Il était persuadé qu'à cause d'elle, il pourrait entrer en communication avec Celui qui sait...

L’émetteur agirait comme une sorte de sas entre son monde et celui de Celui qui sait. Malgré tout, Jean n’était pas sûr du résultat. Il n’avait jamais eu le moyen de vérifier, mathématiquement, toutes les données du problème. Juste faire confiance aux indications du guide...

Il savait que la réalisation de l’émetteur devait se faire dans les plus brefs délais. La guerre, qui opposerait les deux camps, sourdait en se propageant comme une traînée de poudre.

Tous ceux qui étaient devenus ses amis, contribuaient à la réalisation de l’engin. Tous s’affairaient avec ferveur, ne recevant qu’une partie des éléments à réaliser. Par ailleurs, Jean les entretenait des événements futurs, leur laissant l’espoir qu’ils avaient encore quelques semaines devant eux pour que la tâche soit achevée à temps...

Ce qui devait arriver, arriva ! Le chef d’un des deux peuples s’était décidé à la guerre. Il n’avait plus d’issue. Les palabres diplomatiques avaient échoué. Le monde des géants n’avait plus que quelques heures à vivre, voire des jours et des semaines... Tout était dans les mains de Celui qui sait...

Jean avait encore l’espoir. L’espoir que cette guerre inutile pouvait être évitée, si son émetteur se mettait à fonctionner, et s’il parvenait à joindre Celui qui sait. Illusoire ? L’événement était inévitable, inscrit dans les tablettes de l’histoire de Celui qui sait. Jean ne pouvait rien changer... Pourtant il ne perdait pas l’espoir. A cette guerre inévitable, suivrait une renaissance. La fin du monde n’était pas encore arrivée. Il fallait que le petit reste des géants voie se produire le merveilleux événement annoncé depuis des lustres.

Certaines civilisations, disparues du monde des géants, avaient donné des indications sur des événements futurs. Ces événements s’étaient déjà produits par le passé, et semblaient se répéter à intervalles réguliers. Certains hommes de ces époques reculées avaient compris la nécessité de laisser une trace de leurs connaissances. Le temps avait fait son œuvre. Plus personne ou presque ne portait attention à ces divagations venant d’un passé reculé. Les géants avaient la parfaite connaissance des choses de la nature. Ils étaient les maîtres des forces naturelles. Jean allait leur montrer que leur vérité ne pouvait être qu’une chimère de plus. Le jour de cette démonstration ne tarderait plus...

Pendant que les artisans s’affairaient de plus en plus, Jean avait fait construire une enceinte qui devait les protéger de toutes agressions. Le bruit de la guerre faisait rage. Les fumées macabres montaient vers la demeure de Celui qui sait. Des déserts naissaient, là où jadis fleurissaient des plantes multicolores. Un monde de ténèbres, un monde de silence entrecoupé par les lamentations d’un peuple aux yeux hagards. Des êtres dans une grande détresse. Des êtres, la veille si forts et imbus d’eux-mêmes, et qui, ce terrible jour, n’étaient plus rien. Rien qu’une coquille vide, presque sans âme, errant sur la grisaille d’un monde calciné. La bataille fut comme un éclair dans le ciel. Les deux chefs l’avaient décidé de la sorte. Résultat des courses ? Pas de gagnant. Seulement, une multitude de perdants : les peuples du monde, comme d’habitude...

Cette guerre devait être la dernière. Les chefs s’y étaient engagés.

Chacun croyait qu’il la gagnerait et qu’il imposerait sa philosophie sur toute la surface du globe. Les géants étaient avides de pouvoirs et pour cela, ils n’hésitaient pas à employer tous les moyens que la science avait mis à leur disposition. Le sort des peuples leur était étranger. Seul le pouvoir méritait leur attention. Ils balayaient tout ce qui se trouvait sous leurs bottes. Ils étaient sûrs de la victoire finale. Ils étaient sûrs que les OTOLS les aideraient. Ils étaient assurés du soutien du Dieu Hasard. Quelle ironie... Les deux camps, invoquant les mêmes divinités, avaient l’assurance que leurs dieux étaient à leurs côtés. Ces dieux là avaient joué le sort des géants aux dés. Deux tirages... Même nombre. Match nul ! Les peuples ne s’en souciaient plus... Survivre. Tel était leur but désormais...

Alors que la guerre sévissait aux quatre coins du globe, il ne se trouva personne pour comprendre ce qui se passait dans le ciel profond. Tous les satellites étaient tournés vers la terre, et étaient au service de la guerre. Jean se rappela qu’avant la déclaration des hostilités, certains astronomes avaient décelé un phénomène étrange. Ils avaient été mis au silence. Personne ne devait savoir ce qui se tramait dans l’espace. L’observation de cet astre errant qui s’infiltrerait dans leur système solaire ne devait pas être connue du public...

Quelque part, la guerre n’avait pas su toucher une partie du globe. Jean et les siens avaient été miraculeusement épargnés. Ils avaient pu mettre fin à la confection de l’engin. Ils étaient prêts pour recevoir le message de ceux d’en haut. Celui qui sait allait parler...

Dans le ciel des géants, couvert par une suie, à la fois noire et rouge, un astre nouveau se dessinait et augmentait de taille chaque jour qui passait. Jean avait disposé les antennes de l’émetteur en direction de l’astre. Il commençait à émettre les données... La boule grisâtre qui parcourait l’espace était encore très éloigné du monde des géants. Il faudrait quelques heures, quelques jours pour que le message parvienne à destination. Le monde des géants avait encore un moment de répit devant lui...

Les scories de la guerre s’évaporaient quelque peu du ciel. Les survivants de l’holocauste pouvaient porter leurs plaintes vers les cieux. Certains pouvaient apercevoir le nouvel astre qui prenait position. Cela augmentait leur angoisse. Ils n’avaient pas été préparés pour ça...

Un nouveau dieu, un nouveau diable, ils ne savaient que penser. Les anciennes croyances refaisaient surface. Cette apparition devait être le signe d’une nouvelle puissance, un nouveau dieu à vénérer, le dieu de la renaissance. Un dieu terrible qui s’était nourri de leurs souffrances.

L’astre grossissait de plus en plus. Il prenait la place du soleil et de la lune. Imposants et terribles. Merveilleux et funeste présage...

La machine de Jean égrainait son message :

" SCKRALL TELL EY, JUBY TELL EY... SCKRALL TELL EY, JUBY TELL EY... "

Les jours passaient... Le restant des peuples était confronté aux radiations des missiles balistiques qui les avaient terrassés. D’autres étaient éventrés et n’avaient pas rempli leur office.

Le refuge de Jean et des siens tenait bon. Ils étaient prisonniers du lieu, mais indemnes. Il leur fallait attendre que le temps joue en leur faveur. Attendre que le feu des radiations s’éteigne... Le temps, ils en avaient plus qu’il n’en faut, quand plus rien ne reste à faire que d’attendre... Inexorablement, la machine émettait son laconique message vers l’inconnu... L’espoir...

La réponse ne parvenait pas. L’espoir... Jean se mettait à douter de ce qu’il avait entrepris. L’espoir... Le monde des géants s’était éteint. L’espoir... Ils étaient les seuls survivants de l’horreur. Les seuls ! Les seuls ! L’espoir...

Cette espérance qu’il leur avait donnée, Jean ne la ressentait plus. Il était épuisé. Il leur avait tant donné. Personne ne savait quoi lui dire, ni quoi faire. Il avait été le catalyseur de tout un groupe, et son guide ne lui suffisait pas pour retrouver le moral. Attendre encore... Lui, impatient de nature. L’astre qui grossissait encore, menaçant le monde... Attendre, toujours attendre...

Chaque jour qui passait, il s’enquerrait de savoir si la réponse avait été donnée. Rien ! Silence radio des inconnus... Les jours se transformèrent en semaines... Les années passèrent aussi. L’astre se stabilisait dans le ciel...

Le groupe avait émis l’idée, que ceux d’en haut avaient leurs raisons pour ne pas répondre au message. Jean s’était rangé à cet avis. Ils tentaient tous de se remonter le moral. Ne pas se laisser abattre. Survivance d’une éducation. Les géants ne succomberaient pas devant l’adversité. Ils étaient un reste de ces peuples. Ils étaient Ce reste, et La mémoire. La mémoire ne pouvait être effacée...

Le grand rêveur ©Jean-Paul Leurion 1999-

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