#renaissance1
RENAISSANCE
Alors qu’il reprenait connaissance, une lueur blafarde commençait à poindre au bout des ténèbres.
Jean crut que sa vie était passée, qu’il se trouvait devant la dernière porte. Enfin la solution allait lui apparaître...
La progression vers la lumière se faisait doucement. Il ne pouvait rien entreprendre pour changer l’allure. Impuissant face à la force qui commandait ses mouvements, il se contentait de se laisser mener. Juste encore le temps de comprendre ce qui pouvait se trouver au bout du tunnel, là, à la source de la lumière...
Il pouvait distinguer des formes et des sons étranges, mais, tout allait trop vite pour comprendre.
Plus rien à faire d’autre que de se laisser aller. Dormir. Chercher un renouvellement des forces dans un sommeil bien mérité.
Les flots se calmaient de plus en plus. Une mer d’huile, portant en elle un malheureux naufragé prêt à sombrer dans l’onde noire de l’oubli. Pas d’épitaphe. Personne pour se souvenir de son nom. Anonyme, perdu dans un univers sans nom...
Le monstre d’écume était devenu un doux cocon moite et chaud, qui l’enveloppait comme celui d’une chrysalide. Il deviendrait un splendide papillon prêt à se brûler les ailes au soleil de la connaissance...
Un bruit violent le réveilla soudainement, alors qu’il commençait à peine à sombrer dans le sommeil réparateur.
Ce monde, qui semblait s’être apaisé pour l’éternité, retrouvait l’agitation de ses débuts. Jean se sentait ballotté dans tous les sens. Il ne pouvait se raccrocher à quoi que ce soit. Certes, il flottait, mais il flottait sans dessus dessous, et gare au mal de mer...
La force qui l’enserrait devenait de plus en plus forte. Le rugissement des flots était plus affreux que la première fois. Des battements violents, comme des tambours invisibles parvenaient à ses oreilles. Pression violente du vacarme amplifié par la solution aqueuse... Annonce des portes de l’enfer...
Puis, d’un coup, tout cessa. Le calme revint aussi soudainement que la tempête était apparue.
Dormir. Se reposer le temps de ce répit. Combien de temps avant que se relève encore une tempête de cette sorte ?
Jamais il ne put dormir assez longtemps pour, que tout son être fût en repos et ses forces renouvelées. Les coups de boutoirs venus d’ailleurs le terrifiaient de plus en plus. Sans compter avec ces terribles maux de tête qui allaient en s’amplifiant. A mesure que la lumière s’approchait, sa tête était comme prise dans un étau qui serrait de plus en plus. Il ne parvenait plus à être maître de ses pensées. Il lui semblait qu’elles aussi fuyaient ce terrible événement qui l’attendait dans la lumière.
Les sons étaient devenus insupportables. Tam, tam, tatam, les battements étaient plus rapides plus forts que tout... La lumière presque en totalité rose doré, comme celle qu’il lui avait été donné de voir un jour. Sentiment d’une relative sécurité. Mais quoi, des lumières de cette sorte pouvaient être tout autre chose dans ce monde-ci. La pression augmentait encore. Son corps entier était comme resserré, pressuré à le rendre miniature. Comment se pouvait-il que l’on puisse rentrer cet être de chair dans une si petite chose ? Terrible supplice d’un avant goût de l’enfer ? Douleur du supplicié, qui ne sait que vomir sa douleur par toutes les cavités de son corps. La lumière, pourtant, la lumière et sa clef, la solution... Derrière cette porte il saurait. Derrière cette dernière épreuve il saurait la Vérité ! Qu’importe la souffrance ! C’est le prix à payer pour voir ce que peu ont vu...
Pourtant, la souffrance qu’il ressentait était devenue intolérable. Il ferma ses yeux qui ne pouvaient plus contenir l’éclat de la lumière. Une dernière fois la cacophonie des tam-tams, et puis, plus rien... Un moment d’éternité. Un moment de sérénité parfaite. Rien... Plus rien... Même la souffrance, même les souvenirs, même tout ce qu’il avait été. Rien... Rien d’autre que ce quelque chose qu’il était devenu.
Et puis, il ouvrit les yeux sans savoir qui l’avait commandé.
Lumière aveuglante, sons étranges lui parvenant de toutes parts. Il ne savait pas ce qui l’entourait. Il était ballotté dans tous les sens en haut en bas.
Et puis, ce coup violent dans son dos, cette douleur profonde venant du centre de sa poitrine comme une brûlure affreuse. Et puis, ce cri strident qu’il poussa sans savoir ce qu’il faisait... Victime de l’enfer et de ses diables qui le torturaient déjà. Qu’avait-il donc fait pour mériter un tel traitement ? Etait-ce là, la Vérité annoncée ? Et ce corps violacé, minuscule, recouvert de ce liquide dans lequel il avait baigné, ce ne pouvait être le sien, celui d’un homme d’un âge mûr... Prononcer un mot et dire qui il est ! Sa bouche émet des sons incompréhensibles. Il ne parvient pas à articuler. Les yeux s’habituent à la lumière. Il distingue des êtres immenses. Des géants ; il se trouve dans un monde de géants qui parlent entre eux une langue inconnue de Jean.
L’un d’eux le prit dans ses bras et le mit sur son sein. Tam, tam, tatam, les tambours résonnaient sourdement. La chaleur du géant l’apaisait. Il ferma les yeux et avec eux se ferma sa mémoire, tel que cela était prescrit...