#autre part5
Telles furent les dernières paroles de Théodore. Lhistoire était achevée. Les enfants ne bougèrent pas. Attendaient-ils une autre fin ?
Il était épuisé. Les enfants aussi. Et puis, le ciel sétait couvert. Laverse sannonçait. Une odeur de terre brûlée se mêlait au vent qui agitait les cimes des arbres. Au loin, au-dessus des montagnes, les nuages noirs de lorage étaient zébrés déclairs rouges et bleus. Les parents accoururent pour rentrer la marmaille. Théodore resta seul... Quelques larmes coulaient sur la peau parcheminée de son visage. Il enfonça le menton dans ses épaules, et porta son regard vers les montagnes. Seul...
Les roulements des tambours de lorage devenaient plus proches. La grande tunique blanche de Théodore flottait au vent. Ses cheveux se mêlaient aux feuilles et à la poussière qui virevoltait autour de son vieux corps fatigué. Que tombe sur lui le fracas de léclair ! Quil parte dans un éclair de feu vers son compagnon...
" Jean... Jean, viens me chercher ! " Sécria-t-il...
Rien que la réponse de lorage, et nul éclair de lumière ne voulait lenlever du monde.
Et puis, quelque chose agrippa son vêtement.
" Jean ? Cest toi ? "
Il se retourna... Personne ! Il baissa les yeux... Johanna!
Elle avait toujours son bout de chiffon et son pouce dans la bouche. Elle lui tendit lautre main, et esquissa un sourire dés que son doigt eut quitté sa bouche.
La pluie commençait à tomber. Les larmes de Théodore ne se voyaient plus sur son visage. Sa chevelure laissait goutter les perles dorage...
" Tu pleures, lui dit-elle ?"
Il sessuya les yeux et le visage.
" Non, cest la pluie... "
" Tu pleures, " reprit-elle dun ton assuré...
Il leva les yeux au ciel... Exaspéré...
" Oui, je pleure comme le ciel pleure et fait montre de sa colère. Je pleure mon ami disparu. Je pleure, car je suis triste quil ne soit pas encore venu me chercher. Je pleure car le monde ne la pas reconnu. Je pleure, car son rêve est encore à venir. Je pleure... "
Elle larrêta.
" Ne pleure pas Théodore. Je suis là... "
Il sagenouilla, et se blottit entre les bras de Johanna.
" Il reviendra ton ami, Théodore. Je sais quil reviendra. Les grands, ils ne savent pas. Mais nous, les enfants, nous savons quil reviendra. Alors, tu nauras plus loccasion dêtre si triste... "
Théodore la regarda. Savait-elle bien ce quelle disait, ou lui faisait-elle un cinéma, pour quil soit moins triste ? Il oublia cette question, lui souri, se releva, et main dans la main, il sen allèrent vers la maison de Johanna...
La pluie crevait la surface de la terre ocre du village. La nuit sétait abattue sur la montagne. Quelques lueurs traversaient le rideau de hallebardes qui cinglaient avec le vent.
Johanna et Théodore avaient leurs yeux collés contre le carreau de la fenêtre. Ils attendaient...
Ils attendaient Jean...