#heolagampa2

Les enfants sacrés avaient été récupérés par leurs parents. Ceux-là pouvaient reconnaître que l’action de Jean n’avait pas été inutile. Ce soir dans certaines demeures, ce sera un jour de fête. Bientôt, Heolagampa ne résonnait plus que des rires de tous ces enfants perdus depuis si longtemps. Ces rires avaient su faire taire toute animosité, même chez les plus durs...

Jean restait seul avec le patriarche. Ensemble, ils regardaient la nouvelle Heolagampa. Ils reprenaient le sourire. Les enfants sont la joie du peuple, leur avenir aussi...

Jean sentait que le vieil homme avait fini de jouer son rôle envers ceux de son peuple. Le sage savait qu’ils étaient rassurés pour un moment, et qu’ils retourneraient tous vers leurs occupations habituelles. Ils étaient restés de grands enfants qui, somme toute, avaient bien plus peur de la réprimande céleste que des barbares sanguinaires qui les avaient assiégés.

"  Vois comme ils sont impétueux. Ce peuple a le sang chaud, mais dans le fond il n’est pas si méchant que cela. C’est l’implacable désir, qui rend l’homme ainsi, mais au fond de lui, il garde à jamais son âme d’enfant. Quand il se retrouve comme un nouveau-né, il donne à son entourage toute la tendresse qu’il tient en réserve. Ah ! S’ils pouvaient rester ces enfants rieurs, sautant, et plein d’imagination, le monde ne serait pas devenu ce qu’il est actuellement. Ainsi n’aurions-nous pas besoin de la loi de Celui qui sait pour les rappeler à l’ordre. Celui qui sait n’en serait que plus heureux... " 

En disant ces mots, les yeux du patriarche s’humidifiaient, comme si le remord le gagnait. Il pensait qu’il n’avait pas accompli sa tâche. Il s’en voulait d’avoir dû mentir à son peuple, et dans un moment de désespoir, levant les bras au ciel, il s’écria :

" Ô ! Toi qui sais, pourquoi m’avoir abandonné dans l’exécution de ma voie? "

Jean ne pouvait pas lui laisser croire qu’il avait failli à son devoir.

"  Ecoute, vieil homme. Je ne suis pas là par hasard. Certes, mon chemin passe par ta cité. Des rencontres que j’ai pu faire par le passé, m’ont appris certaines choses. L’une d’entre elles est que nous pouvons comprendre la raison de certains événements par l’expression de la vision de certains rêves. C’est ainsi, qu’à un moment, j’ai demandé à cette force qui anime le monde, que me soit révélé ce que contenait votre cité. Je savais que les portes s’ouvriraient. Telle devait être la volonté de Celui qui sait...  " 

A ces mots, le vieux sage se ressaisit, et dit :

" Quel pècheur ai-je donc été, pour ne pas comprendre l’enseignement de Celui qui sait ! J’ai failli à l’une de ses lois, et de ce fait, j’ai conduit mon peuple dans l’erreur. Malheur à moi, malheur à ma descendance, malheur à ce peuple qui a suivit les oracles d’un pauvre illuminé. Tout ce temps, je n’ai fait que transgresser la parole de Celui qui sait. Est-ce toi qui devait venir pour dévoiler l’erreur d’un sage ? "

Il prit les mains de Jean, le suppliant de lui répondre. La sagesse hiératique semblait avoir fui loin de son âme. La peur l’oppressait tellement qu’il ne s’en remettait plus qu’à la seule réponse de Jean. Lui était comme perdu, partagé par un sentiment de compassion, et le désir de mettre les voiles... Du coin de l’œil, le sage s’apercevait que Jean ne semblait pas prendre toute cette histoire très au sérieux. Il ne fallait pas qu’il s’en aille. Son pouvoir sur le peuple ne serait plus crédible...

"  Aujourd’hui, la dernière porte à franchir s’ouvre pour mon peuple. Je sais qui tu es ! Jamais il ne m’avait été possible de voir ton visage, mais seulement m’a-t-il été permis de connaître ta vertu. Oui, en quelque sorte, tu es un roi. Tu es ce roi que nous attendions, celui là même que m’avait révélé la messagère aux yeux arc-en-ciel... Mon peuple et moi attendions vainement un chef, un homme qui nous aurait conduit vers les sommets du pouvoir sur les autres nations, qui nous aurait permis de devenir les maîtres du monde, en dispensant les lois de Celui qui sait. Nous devions être les conquérants de la planète... Pauvres sots que nous sommes ! De maîtres nous ne sommes que les esclaves de nos intentions barbares de domination. Où se trouve la loi de Celui qui sait dans le désir d’asservir les autres peuples ? Nous aurions dû le savoir. Ce roi pouvait être un roi spirituel, un guide sans autre arme que son âme. Nous le savions mais n’y avons pas cru. Orgueil de l’homme qui se croit détenteur d’une grande sagesse et qui oubli sa condition humaine. Orgueil d’un homme qui sait le mensonge en sa bouche pour contenir les actes infidèles de son peuple et qui malgré tout se complaît dans sa position sociale de représenter le pouvoir suprême sur cette terre... Oublie les erreurs de ce peuple et de ses sages, et sois le bienvenu dans cette ville. Mais, avant que tu ne franchisses définitivement les portes d’Héolagampa, donne-moi ton nom, celui que tu as reçu de la messagère aux yeux arc-en- ciel. Cela sera ta dernière épreuve avant d’entrer dans la ville... "

Jean était étonné de cette demande. Il ne se souvenait pas avoir reçu un autre nom que celui qu’il portait depuis le jour de son baptême.

"  Je ne peux accéder à ta demande. Comme chacun, je ne porte que le nom donné par mes parents... Réfléchissant un peu, il poursuivit... Il se peut que je puisse répondre d’une autre façon à votre question. Quand j’étais plus jeune, je traçais souvent un signe dont je ne connais pas l’origine, et dont le sens m’échappe encore. Peut-être est-ce cela que tu désires savoir ? Si cette réponse te convient, accepte-la ou laisse-moi poursuivre mon chemin... " 

"  Soit ! Répondit le sage. Voici une pierre tendre et un stylet. Grave ce signe dont tu parles. S’il m’est connu, je te le ferais savoir et pourrais t’en dévoiler le sens. Tout autrement, tu poursuivrais ta route vers des nouveaux cieux. " 

Jean posa la pierre sur ses genoux, et à l’aide du stylet il commença à graver le signe... Une fois terminé, il tendit la pierre au sage et lui dit :

" Voici ma réponse. Si celle-ci t’agrée, alors donne-moi le sens de ce nom dont tu m’as entretenu. "

Jean jubilait. Il ressentait un fort sentiment de curiosité. Il avait hâte de savoir, enfin, ce que toute sa vie durant il n’avait pu savoir...

Le patriarche approcha la pierre de ses yeux... Soudain, son visage s’illumina, laissant derrière lui toutes les idées noires qui avaient été les siennes.

"  Bienvenue à toi, Skrâll tell ey ! La marque que tu as tracée, est la marque de ton nom. Celui-ci est véridique, car il te fut donné par Celui qui sait. Sûrement que ce nom ne signifie rien pour toi, car ce nom n’a de sens que pour celui qui en connaît l’origine. C’est cela que tu devras t’efforcer de savoir. Ce nom t’offrira des richesses qui ne sont pas des richesses en or ou en argent. Cette richesse se trouve au centre du temple des nombres. C’est dans celui-ci que nous avons jalousement gardé l’héritage de Celui qui sait. Mais avant que tu ne pénètres dans ce temple, il te faudra connaître ce peuple et ses lois qui l’animent... "

Le grand rêveur ©Jean-Paul Leurion 1999-

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