#renaissance3

Le maître qui lui avait été choisi lui montrait la voie à suivre. Les jours passaient et de terribles événements se produisaient dans le monde des géants.

Des guerres fratricides déchiraient les peuples et Jean, qui ne comprenait pas le but de ces guerres, faisait part de son effroi à son maître. Il lui demandait si le moment n’était pas venu de se révéler aux yeux du monde. Son maître de lui répondre que le moment n’était pas encore venu. Les événements qui se produisaient étaient la volonté de Celui qui sait. Les géants pensaient tout autrement. Rien n’était le fruit du hasard. Les choses se produisaient dans le bon sens...

Les géants n’avaient pas su garder en eux les signes du désastre annoncé par le passé. Ils n’avaient pas su choisir la voie qui les aurait menés vers la liberté.

Dans l’histoire passée des géants, des maîtres étaient venus pour enseigner leur destiné. Mais eux, toujours aussi imbus de leur puissance, n’avaient pas porté crédit à leurs prophéties. Ils voulaient, coûte que coûte suivre la voie qu’ils s’étaient assignée de suivre ; Telle était pour eux la Loi du libre arbitre. Aucune puissance supérieure à celle qu'ils détenaient ne les ferait changer de cap.

Celui qui sait n’avait pas donné davantage d’éléments pour qu’ils changent d’avis. Certaines révélations effrayantes n’auraient pas eu d’oreilles attentives. Et pourtant, se disait Jean, cela aurait évité bien des souffrances...

Dans cette étude du passé, Jean avait eu la révélation que ce peuple terrible était voué dès son origine à l’anéantissement. Jean se serait heurté à cette toute puissance matérialiste qui interdit l’hypothèse d’une prédestination de l’Histoire.

Les géants étaient sûrs de leurs origines. La science avait donné des lois selon lesquelles ce monde et ces habitants était le fruit d’une longue chaîne de hasard heureux. Aucune présence divine. Ou alors cette présence s’appelait le dieu Hasard. Grâce à cette divinité, ils étaient parvenus à créer nec-nihilo des mondes et des êtres contre nature. Cette même force de création les avait menés à concevoir les moyens de se détruire eux-mêmes... dans ces temps de troubles que vivait la société, seule la destruction était portée partout sur la planète. La destruction au nom de la science et de l’avancée de la race des géants...

Bien souvent il aurait voulu faire savoir à ceux qui régnaient sans partage sur ce monde, que leur acharnement à poursuivre cette voie de la destruction ne les mènerait à rien. Ils ne sauraient jamais si le chemin qu’ils suivaient était bel et bien le bon. Avaient-ils le choix ? Jean en était persuadé. Ces êtres devaient avoir en eux cette soif de lumière propre à tous les êtres. Aucun d’eux ne pouvait être coupé de Celui qui sait. Ils étaient ses enfants. Un père ne laisse pas un enfant se noyer dans les tourbillons de l’existence.

Mais, au fond de son âme, Jean ressentait une volonté plus forte que la sienne. Il devait garder le silence. Cela le rendait fou de tristesse. Même si le monde n’était pas prêt, il aurait voulu tenter quelque chose...

Les géants avaient reçu des commandements à suivre. Ils n’avaient cesser de s’en éloigner, toujours plus loin, remettant aux autres générations le soin de les appliquer.

Jean se révoltait de cette ignorance des géants, lui qui n’était qu’un tout petit parmi eux. Il venait d’entrevoir la Vérité, mais il ne pouvait en faire part à quiconque.

Qui des géants avaient entamé les hostilités, qui partageaient les géants en deux camps ? Il ne le savait pas. Il ne voulait pas le savoir. Ce qui importait c’était que le conflit allait en s’intensifiant chaque jour d’avantage.

Fallait-il à ce monde qu’il sombrât dans la nuit et la stérilité, pour que renaisse un autre monde où s’épanouirait la fleur de la sagesse ?

Cette idée de la refonte lui paraissait la meilleure qu’il n'ait jamais eue. Mais, parallèlement, il admonestait Celui qui sait. Il ne comprenait pas pourquoi, cette idée de la création d’un monde sans conflits n’avait pas été la bonne idée première. Quelles étaient les intentions de Celui qui sait, quant à faire naître un monde voué à son autodestruction ? Bien d’autres avant lui avaient ressenti cette même idée. Ils avaient professé l’idée de la renaissance d’un monde, d’un âge d’or où tout serait remis dans les mains de Celui qui sait. Pour que ce monde puise voir le jour, ils avaient tenté d’édifier les bases d’une société à l’image de ce paradis promis et perdu. Mais tous les essais se soldèrent par des échecs. Les initiés qui avaient tenté ce genre d’expériences s’étaient heurtés à la constitution même de l’esprit matériel des géants.

Ceux qui composaient la couche la plus pauvre étaient en accord avec ces principes. Mais pour les autres, ceux qui détenaient le pouvoir, la force, et donc la Vérité, ils ne l’entendaient pas de la même oreille. Remettre leur toute puissance à un autre, invisible de surcroît, cela était impensable. Que meurt le prophète maudit, avant qu’il n’arrache de leurs mains les attributs de leurs pouvoirs.

Les commandements de Celui qui sait sont éternels. Ils passent les générations et restent dans les cœurs des peuples, de tous les peuples. La Vérité de Celui qui sait, reste gravée quelque part, même si les mots pour l’exprimer change avec les civilisations. Les bribes de cette Vérité se retrouvent dans tous les peuples des géants. Réunir ces vérités, et n’en former qu’une seule, voilà la solution qui apparaissait à Jean. Y aurait-il quelques géants qui s’efforceraient à suivre cette voie de l’unification pacifique ?

Personne ne semblait vouloir répondre à cette invitation. Ceux qui avaient tenté de le faire s’étaient heurtés à cette réponse :

" Derrière la Vérité Universelle, nous ne voyons rien. Rien, si ce n’est la présence de Celui dont nous nous efforçons de renier l’existence, et cela nous est intolérable! "

Ainsi la foule pouvait-elle s’emparer de ces misérables qui avaient su défier le pouvoir. Cette force de destruction était en eux, et ils ne pouvaient l’en faire sortir...

Pas d’avenir pour cette idée. Alors, que faire de plus pour que la mission soit menée à bon terme ? Il ne savait pas. Peut-être que son maître saurait lui dire comment agir.

Puisqu’il ne pouvait faire autrement, il sombrait dans les rêves pour entrer en contact avec son protecteur.

Celui qui le suivait, et dont Jean ne connaissait pas le visage ni le nom, se remontrait à lui. Cette fois, il n’était plus recouvert de la bure blanche. Son corps était entouré d’une douce lumière rose doré. Il le recevait lui tournant le dos, dans un endroit qui gardait son mystère...

Pour une fois, le guide lui avait dit ce qu’il devait faire, mais étrangement, Jean n’en eut pas le souvenir. Ces paroles prononcées devait rester cachée encore un temps.

Lorsqu’il se réveilla, il ne se souvint que de l’image du maître. Les paroles s’étaient envolées... Encore seul sur ce coup.

Jean sentait en lui le moment de la réalisation. Il s’était mis en tête de réunir toutes les notes qu’il avait prises durant toutes ces années.

Alors qu’il les relisait, il fut persuadé de l’importance des signes laissés par les anciens. Les élèves qui les avaient soigneusement retranscrits ne savaient pas l’importance qu’ils auraient pour l’avenir. Jean savait maintenant ce qu’ils pouvaient représenter...

Il savait qu’il ne lui était pas possible de réaliser ce qu’on lui demandait. Pour la réussite de cette opération, il lui aurait fallu être très riche. Lui ne possédait pas grand chose... Pourtant, tout ce qui se passait ne devait pas être dû au hasard. Lui fallait-il attendre que la richesse lui soit donnée pour qu’enfin il puisse entreprendre la réalisation de son grand œuvre ?

Son métier lui avait fait côtoyer des êtres d’une certaine initiation. Eux sauraient ce qu’il devait faire. Il se décida à lever un coin du voile et fit part de ses problèmes à certaines personnes qui pourraient l’aider.

Les maîtres qu’il avait eus dans le monde des géants avaient une certaine idée de Jean. Ils ne savaient pas encore ce qu’il tramait. Pourtant, ils l’aideraient dans ses recherches. Jean réussit ce tour de force de se faire aider par les initiés, sans que les rites fussent accomplis. Ainsi fut faite la preuve pour ceux d’en haut, que rien n’était perdu. Des êtres se battaient pour que se réalise la mission de Jean. Le dieu hasard n’avait qu’à bien se tenir...

Le dieu hasard. Grande invention de cette civilisation. Il ne restait que peu de gens à ne pas se soumettre à sa loi. Ce dieu avait la particularité de se diviser en plusieurs autres divinités. Ce panthéon était ainsi composé :

Le plus grand des dieux était le dieu MUP, dieu aux attributs de tête de cheval et qui officiait dans l’enceinte du cercle des naissances. Celui qui venait après lui, était le dieu OTOL. Il laissait à d’autres sous-dieux l’usage du culte. Il y avait les déesses OTOL CHATITY, OTOL TAKTAK, OTOL MERCURY, et OTOL SATURNY, dieux des plus pauvres. D’autres OTOLS se disputaient aussi le panthéon, mais Jean ne les connaissait pas.

Tous ces dieux avaient mis la déesse de la raison au placard. Elle ne leur avait jamais rien apporté, alors que les OTOLS, eux, faisaient couler la richesse en abondance. Du moins, de temps en temps.

Tout dans ce monde avait l’odeur du souffre apportée par les OTOLS. Chacun y sacrifiait sans se douter de ce qu’il perdait. Ainsi, le temps passant, et sous l’autorité des maîtres des géants, les OTOLS proliféraient de plus belle. Le peuple n’avait plus son libre arbitre. Il était sous la domination des OTOLS et des géants qui les servaient.

Jean fut révolté de cette niaiserie des géants vis-à-vis des OTOLS. Celui qui sait les avait avertis de ne pas se fourvoyer de la sorte. Le problème de Celui qui sait, était qu’il ne leur laissait pas la richesse, et que les peuples se devaient de lutter pour leur existence. Les OTOLS, eux, étaient de bons dieux. Ils distribuaient les richesses, et le peuple ne semblait plus souffrir.

Ces événements étaient l’annonciation du retour de Celui qui sait. Ni les peuples, ni les OTOLS ne s’en souciaient. Ils avaient le pouvoir, ils étaient le pouvoir...

Les anciennes écritures annonçaient tout cela. Elles n’avaient jamais servi à mystifier le peuple, mais à lui faire comprendre qu’il ne devait pas oublier les paroles de Celui qui sait. L’embêtant, c'était que le temps n’arrivait pas. Le retour de Celui qui sait était toujours remis à une autre génération. Les peuples perdirent la foi en ce retour. Ils ne voulurent plus entendre ces divagations de prophètes, qui seuls avaient vu Celui qui sait. Tout ce temps de la renonciation, les géants le perdirent dans la recherche de la science naturelle. Ils donneraient un visage de cette divinité qui leur échappait. Ils le firent très bien. De là naquirent les OTOLS. De là naquit la soif de spiritualité envers les OTOLS.

Combien de temps encore avant que ceux d’en haut ne reviennent ?

Les écritures devaient le mentionner...

Jean cherchait désespérément la date fatidique. Elle devait avoir été donnée par Celui qui sait... Rien. Aucune date en clair n’apparaissait dans les textes. Quelques exégètes avertis avaient soumis l’idée d’une date, mais elles semblaient tout erronées. Les systèmes de calculs, les références se perdaient dans les nouvelles références mises en place par le pouvoir des géants. Tout avait été chamboulé, comme si une puissance invisible manipulait les données, et que personne ne fut en mesure de dire quoi que ce soit à ce sujet... La seule piste qui restait étaient les événements annoncés. Jean les relevait. Il fut surpris de découvrir que ces événements se suivaient bien dans le temps. Prédestination de la cause commune ! Dans la grande série d’événements marquants prévus, bon nombre s’étaient réalisés. N'en restaient que quelques-uns, les plus terribles sans doute. Ce qui était le plus important, c’était cette sensation du temps qui s’écoule, de plus en plus vite. Pas de répit pour que les événements se produisent. Le monde des géants n’en avait plus pour très longtemps avant de sombrer dans le néant. Les OTOLS n’y pourraient rien...

Le monde des géants commençait à se disloquer de part en part. Personne ne pouvait plus connaître la Vérité, ni savoir s’il se trouvait une âme pour sauver le monde.

Les responsables, idéologues ou autres étaient au faîte de leur défaite. Aucune idéologie n’avait pu résoudre les problèmes des géants. Même les OTOLS étaient impuissants. A qui en revenait la faute ?

Jean pensait que cette faute, ayant conduit les géants vers l’abîme du renoncement, était celle de Celui qui sait. Il n’avait pas su leur imposer Sa Loi. Et comme les géants étaient ses enfants...

Qu’on laisse un jouet à un enfant... Qu’on ne lui dise pas quelle est la règle qui le sert, il finira par le mettre au rebut. Cela dans le meilleur des cas, ou le détruira-t-il, car n’en comprenant pas le sens.

Les géants étaient de grands enfants ! Leur jouet, c’était leur monde. Celui qui sait en avait révélé la règle, ainsi que la possibilité de jouer un Joker : La Loi du libre arbitre.

Ce fut cette loi qui décida du sort du monde des géants. Ce que les maîtres avaient décidé allait se découvrir. L’horreur était du côté des deux blocs idéologiques et chaque peuple rejetait la faute sur l’autre.

S’ils avaient su lire, ils auraient vu que la naissance de ce monde se faisait dans un secteur du ciel qui ne permettait pas la survie de cette humanité. Elle est appelée à disparaître ou se transformer en une autre chose. Une autre histoire à vivre. Chacun se devait de rendre des comptes. Même ceux d’en haut. Pour eux, cela devait être plus dur, car ils étaient les gardiens de l’Ordre de Celui qui sait...

Le grand rêveur ©Jean-Paul Leurion 1999-

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