#révélations2
Un soir, le moral à zéro, il sen remit au pouvoir des rêves. Les guides devraient lui donner une réponse. Autrement, ils seraient la cible des invectives des survivants.
Le ciel nocturne était éclairé par cette lune étrange et nouvelle qui se battait avec l ancienne. Le ciel avait perdu cette noirceur qui lui était habituel. Des essaims détoiles filantes striaient lunivers. Jean se remémorait les écritures. Le moment de la dernière conflagration était venu. Ils étaient les seuls qui pourraient admirer le terrible spectacle...
Jean sallongea sur son lit, et ferma les yeux. Il sen alla encore une fois vers ce monde quil aimait. Dans ce monde, il savait que rien dimpossible pouvait être entrepris. ce monde était celui de la messagère aux yeux arc-en-ciel, mais aussi de Celui qui sait...
Le sommeil semparait de lui. Quand il rouvrit les yeux, il saperçut que sa chambre baignait dans cette douce lueur rose doré. Devant lui se tenait la messagère aux yeux arc-en- ciel.
Enfin elle était venue ! Jean savait bien, que ses prières ne resteraient pas lettre morte. Il la salua, se leva et tendit ses bras vers elle...
Elle navait pas changé. Elle était toujours aussi belle, douce et aimante. Pourtant il sentait que cette beauté était plus grande encore. Il ne savait pas que la belle était parée pour le jour de ses noces.
Elle sentretint avec lui des difficultés rencontrées par ceux den haut. Elle lui dit aussi quil ne devait pas sinquiéter de ces problèmes. Il ne devait pas avoir de doute. Bientôt il rencontrerait Celui qui sait.
Alors quelle parlait, il voyait les images de sa vie qui défilaient dans sa tête. Il comprenait tout ce qui sétait passé. Il savait quelle était le sens de la mission dont on lavait chargée. Tout était dans le moule.
Elle lui remit en mémoire quel avait été le sort de ce fils qui sétait enfui de Juby. Celui-ci avait rompu les liens fragiles de leur ancien monde. Cétait lui qui se trouvait à la tête de ceux den haut. Lui qui devait faire revenir son père. Mais le savait-il ? Il avait été gravement sermonné par Celui qui sait. Il devait aider Jean pour que les desseins de celui qui sait saccomplissent enfin. Ce fils était encore réticent. Lui aussi dépendait de la volonté de Celui qui sait. Il lui faudrait remettre son pouvoir à Celui qui sait, et admettre que jusquà présent, il sétait trompé.
Jean lécoutait. Il entrevoyait le but. Il comprit les desseins de Celui qui sait, et en admit le but avec la plus grande dignité...
Elle prit congé, lui assurant quelle servirait démissaire entre lui et son fils. Il répondrait à son message...
La pièce retrouva son état normal.
Un grondement provenait du dehors. Ses amis sagitaient dans tous les sens. Lun deux entra, lair affolé, de grosses gouttes de sueur perlant sur son front.
" Jean ! Venez voir ! Lastre est devenu aussi gros que le soleil. Que va-t-il se passer maintenant ? "
La folie et la peur se lisaient sur son visage. Jean navait pas le temps de réfléchir à ce quil devait dire. Il sauta du lit, senroula de la couverture et sorti de sa demeure. Les uns se lamentaient, prostrés contre les murs de leurs habitations. Les autres couraient dans tous les sens. Aucun endroit où aller... Prisonniers dun événement funeste qui planait au-dessus de leurs têtes...
Il courait après eux.
" Ne perdez pas espoir mes amis ! Ce qui doit se produire se produira pour le bien de ce monde ! Ce que nous allons perdre, nous le retrouverons ailleurs... "
Il tentait den agripper un ou deux par leurs bras. Il les fixait dans les yeux, cherchant cette âme qui semblait fuir loin de toute adversité.
" Il faut nous préparer encore et toujours. Ceux den haut vont nous faire entendre la réponse au message ! "
Le message ! Des années durant, ils avaient attendu cette réponse. Ils avaient perdu lespoir quelle leur parvienne un jour. Et puis, il y avait cette menace terrible de cette face livide qui les regardait depuis le ciel. Certains étaient persuadés que Jean était comme leurs anciens chefs. Il leur avait menti. Il ne devait pas savoir quel serait lavenir. Enfants terribles, les géants étaient toujours prêts à lapider un prophète ne connaissant pas les dates...
Alors que certains auraient voulu le saisir, dautres, encore en espérance, lui servaient de bouclier...
La machine émettait encore. Ils ne savaient pas si cela durerait longtemps... Il la leur montrait. Elle était là... Leur seul espoir de sen sortir... Lémetteur envoyait un dernier message...
Le soleil ne laissait plus passer quun mince éclat de sa superbe. La lune était tout aussi fragile devant le monstre doutre espace. Les deux anciens seigneurs du ciel étaient devenus rouge vif, comme deux rubis étincelants. Ils étaient comme saignés par lenvahisseur. Autre combat, autre guerre qui secouerait le monde et lunivers des géants...
Et puis limpossible se réalisa. Lémetteur cliquetait. Le signal dune transmission venue dailleurs se faisait entendre :
" JUBY EL AA... JUBY EL AA... "
Jean pensait que la messagère avait fait son travail. Enfin ils avaient répondu. Les amis de Jean sétaient calmés. Une intense émotion les animait. Pour la première fois depuis lHistoire, les géants recevaient un message dautres peuples de lunivers.
Jean connaissait le langage de ceux den haut. Il fallait traduire. Ceux den haut avaient une parfaite connaissance de la langue des géants. Pour la seconde fois, lémetteur crachait un message :
" JUBY EST LA... FAITES CONNAITRE VOS INTENTIONS... "
Jean pianotait fébrilement la réponse sur les touches du clavier de transmission.
" VOUS SAVEZ CE QUI DOIT ADVENIR DE CE MONDE. VOUS AVEZ LA FACULTE DE POUVOIR SAUVER CE QUIL EN RESTE. AIDEZ-NOUS DANS NOTRE SAUVEGARDE ! "
Les compagnons de Jean qui se trouvaient avec lui, se posèrent des questions. Que voulait-il dire au sujet de lavenir de leur monde ? Quel devait être cet événement qui serait plus affreux que la guerre passée ? Un de ses compagnons se ravisa. Il lui demanda de sexpliquer sur la chose.
" Voilà que vous avez eu confiance en moi, et vous aviez raison. Que sont ces événements ? Vous auriez pu le savoir en lisant les anciennes écritures. Elles mentionnaient lexistence de cet astre errant dans lunivers, et son retour dans notre système solaire, mais peu y ont cru. Certains ont même oblitéré certaines informations, pour que plus personne ne comprenne le sens de ces données transmises par vos pères. Ils étaient assurés que cet événement ne se produirait pas. Ils étaient assurés de détenir la puissance de lunivers. Mais, voyez ce quil est advenu de votre société. Personne ne peut plus enrayer ce mécanisme céleste. La puissance des géants ne sert à rien.
" Cet astre qui entre dans notre système nest pas sous le contrôle du soleil. Il vient et repart comme bon lui semble. Sa course est définie par une force plus grande que vous ne lavez jamais imaginé. Tout ce qui est en bas est à limage de ce qui est en haut. Ce qui régit les forces agit à tous les niveaux de la création. Un saut dans le temps... Un saut vers un autre univers... Les événements qui se produiront sont les prémices dun autre, plus important, mais cela ne peut vous être révélé pour le moment... "
Ils lécoutaient avec attention. Ils étaient forcés de sen remettre à lévidence. Tout ce que Jean leur avait annoncé sétait produit.
Des directives avaient été données par ceux den haut. Leurs scanners avaient décelé quelques traces de vie éparpillées sur le globe dévasté. Les radiations étaient devenues plus faibles. Jean et les siens pouvaient aller à la recherche des quelques survivants égarés.
Alors que les premières expéditions sébranlaient, lémetteur donna de plus en plus dinformations pour la réalisation finale. Même ceux den haut ressentaient une crainte de lEvénement.
Jean savait cela. Il gardait espoir. Il navait pas fait tous ces sacrifices en vain...
Les explorateurs ne pensaient pas que le monde fut aussi dévasté. Les restes calcinés de la civilisation ne fumaient plus depuis bien longtemps. Lérosion avait fait disparaître tout ce qui avait été fragilisé par les bombardements successifs. Les ombres fantomatiques de la nature se dessinaient sur quelques roches à la fois blanchies et noircies par le feu nucléaire. Paysage apocalyptique... La terre devenue comme une lune sans vie, où des explorateurs laissaient lempreinte de leurs pieds. Ce nétait plus un petit pas pour lhomme et un pas de géant pour léternité. Cétaient des petits pas de géants défaits, vers une éternité quils savaient fragile. Où trouver un reste de survivant dans cette jungle ténébreuse, sans vie animale, sans vie végétale. Une immense mine danthracite à ciel ouvert... Pas âme qui vive. Etaient-ils les seuls rescapés de la fournaise ? Ceux den haut avaient décelé des traces de vie. Elle devait bien se trouver quelque part...
La poussière grise collait à leurs vêtements. Ils étaient devenus comme le monde, caméléons se fondant dans un environnement hostile. Trouver des repères, saider des étoiles encore visibles. Se déplacer vers ce qui avait été les centres de leur ancienne civilisation. Ces villes grouillaient tellement de vie. Toutes navaient pas du être annihilées sous le feu.
Comment reconnaître une ville, après un si grand désastre ? Le bruit, lagitation, les odeurs, il ne restait rien... Même le vent sifflait en silence. Les sons étaient amortis par la poussière grise qui recouvrait tout... Terre de lune, magicienne qui métamorphose les choses... Ils senfonçaient dans son antre lespoir chevillé au corps, quune âme surgisse du néant...
Ils traversaient des défilés arides, traces dune eau qui faisait défaut. Torrents de poussière, sans vie. Désespoir, aucune trace... Et puis, comme par miracle, des odeurs, des bruits étouffés. Enfin un signe que quelque part, là bas, la vie avait repris ses droits...
Des ombres noires se mouvaient, imperceptibles. Les explorateurs étaient scrutés avec des yeux pleins de crainte. Les survivants avaient acquis lart de la dissimulation. Eux aussi étaient devenus de parfaits caméléons. Ils étaient revenus aux usages dun temps passé. Plus de paroles. Des grognements. Des bêtes apeurées. Peuple de sauvages. La seule mémoire qui leur était restée, était celle de leurs chromosomes. Ils étaient toujours restés des bêtes...
Ils étaient tapis dans lombre, attendant de surgir et maîtriser les explorateurs de vie... Lun des amis de Jean se souvint que seul la terreur du feu pouvait éloigner ces êtres égarés. Ils en allumèrent un, et sassirent en cercle. Ils attendaient que les sauvages se montrent...
Leurs frères dans lhumanité, navaient plus rien à voir avec ce quils avaient été auparavant. Les radiations avaient accompli des métamorphoses... Ne pas se résigner. Ils étaient encore leurs frères humains.
Lun deux savança Peut-être avait-il encore au fond de lui les souvenirs du passé. Peut-être reconnaissait-il ce quil avait été avant. Il semblait être moins touché que les autres. Avait-il eu de la chance ?
Le contact se fit. Les autres bêtes attendaient dans lombre. Apaisés, ils sen remirent aux explorateurs de vie. Ils avaient réussi leur mission. Les quelques âmes, égarées et fragiles, pouvaient être ramenées vers une terre plus clémente. Pourtant, il leur restait un problème à résoudre. Ces hommes et ces femmes nen avaient plus très bien lapparence...
Enfin, les émissaires revenaient vers Jean. Avec eux, une cohorte de pauvres hères hébétés. Ils ne savaient pas ce qui se tramait dans cet endroit. Les compagnons de Jean tentaient de leur faire retrouver la mémoire. Réapprendre à vivre. Réapprendre à être des hommes... Tous ne lentendaient pas de la même oreille. La longue déchéance qui avait été la leur ne leur permettait plus de concevoir ce que devait être une civilisation. Ils sen remettaient aux forces de la nature. Des forces nouvelles, avec dans le ciel un combat de Titans. Les dieux se battaient entre eux pour le pouvoir sur ces nouveaux mortels... Ils avaient conçu dêtre des serviteurs dociles de ce nouveau monde stérile. Personne ne leur ferait croire à autre chose. Ainsi, une partie de ce reste dhumanité sen retourna vers son aride désert de poussière grise, ne voulant pas savoir ce que le monde allait devenir...
Ceux qui étaient restés avec les compagnons de Jean étaient encore nombreux. Ce havre de paix nétait pas bien grand pour les contenir tous. Mais il fallait sen accommoder. Les sons, les odeurs, les plaintes, la vie... Cétait cela qui importait. Alors Jean voulut faire un recensement de tous ces êtres qui se trouvaient là.
Le monstre de lespace était devenu imposant. Détranges phénomènes se passaient dans le ciel. Des langues de feu séchappaient du monstre et sélançaient vers le soleil. La terre grognait, gémissait sous les assauts du monstre. Des forces énormes étaient mises en jeu. Par endroits, des crevasses vomissaient une langue de roche en fusion, et exhalait des odeurs nauséabondes. Les grandes mers, couvertes de scories, noires comme une nappe de pétrole, se déchaînaient et venaient, mourir sur les rivages fracassés. Des côtes entières disparaissaient sous les coups de boutoirs. Dautres terres émergeaient du fond des abîmes et aussitôt sombraient dans un grand tumulte.
Jean demanda à ceux den haut quils leur viennent en aide. Il ne semblait plus y avoir de temps à perdre. Ils navaient plus de ressource pour confectionner un véhicule capable daccueillir tous les gens qui se trouvaient là. Pourquoi attendre leur demandait-il ?
Quelque part dans le ciel, des êtres se réunissaient pour prendre une décision qui les concernait aussi. Ceux den bas avaient demandé de laide. Ils le faisaient toujours quand cétait trop tard. Certains disaient même, que ceux den bas navaient pas gardé les principes de la loi de Celui qui sait. Les sauver, ce serait mettre en péril toute leur société. Pour une fois, les terribles gardiens du ciel ressentaient la peur...
Ils ne pouvaient pas prendre cette décision. Il fallait quun autre le fasse à leur place. Jean fut désigné pour constituer une sorte de tribunal. Il serait le seul à dire qui serait digne dêtre admis dans le monde de ceux den haut.
Avisé, Jean leur répondit quil nétait pas daccord. Les seuls juges, ce devait être eux, ceux den haut. Ils avaient créé cette race dans lunivers. Ils devaient maintenant faire face à leur destin. Ils pouvaient sauver ou détruire.
Leur chef avait la responsabilité de ce choix. Cétait lui qui, par le passé, avait détruit le lien des mondes. Cétait lui, qui par sa soif de pouvoir et de création, sétait mis en tête dasservir ses créatures. A lui maintenant de décider de leur sort, de décider du sort de Jean.
Jean les laissait mariner dans leur âme et conscience. Il savait que ces événements sétaient déjà produits dans un passé lointain. Ceux den haut étaient des pères. Eux, ceux den bas, des enfants. Aucun père ne rejette à jamais ce qui est issu de son sein. Dans ses souvenirs, Jean revoyait limage de lavenu dHéolagampa... La citadelle du ciel se devait douvrir ses portes. En haut ils navaient pas le choix. Jean le savait...
Après un moment qui parut être une éternité, le fils de Jean daigna donner sa réponse.
Il avait été mis en minorité. Chef, il ne létait plus. Le verdict rendu par la commission des hautes sphères célestes était le suivant. Le fils de Jean avait commis une erreur de trop. Ils ne pouvaient plus le suivre. Ils feraient droit à la requête de Jean...
Un long silence suivit. Jean et ses amis se regardaient les uns les autres. Ceux den haut avaient changé de chef. Mais pour eux, quest-ce qui avait été décidé ?
Au bout dun certain temps, lémetteur se remit à crépiter. Un autre message leur parvenait. Quelquun dautre avait pris la parole. Sur le moment, Jean ne sut reconnaître cette voix. Elle venait de plus loin encore quil se limaginait. Cette voix, elle lui semblait être familière. Ce ne fut quau bout dun moment quil se souvint de qui il sagissait. Son autre fils, celui qui était resté avec sa bien aimée...
Le second fils de Jean lui expliqua quil avait réussi à rejoindre son frère aîné, alors que Jean venait de disparaître de leur monde. Celui qui sait lavait envoyé en mission pour quil le retrouve. Il fallait que cela soit ainsi avant que deux êtres aussi proches quun fils et son père nen viennent à se combattre...
Maintenant que cétait chose faite, le monde des géants et tout ce qui restait pouvait être sauvé.
Dans le ciel qui rougissait de plus en plus, une nuée se perça laissant entrevoir une lumière plus aveuglante que lastre des jours. Au centre de la lumière se dessina, aux yeux ébahis des géants, une forme étrange...
Ce qui venait vers eux avait la forme dun cube. Le cube était tout nimbé de lumières merveilleuses. Tout autour du cube, dautres lumières semblaient virevolter en dessinant de merveilleuses arabesques. Tout cet ensemble descendait lentement sur lhorizon. Les géants avaient la langue pendante. Ils se souvenaient de ce que leur avait dit Jean : "... un spectacle merveilleux..."
Lorsque le cube fut arrivé à une certaine altitude, les lumières qui se trouvaient à ses côtés sunifièrent de façon à créer une sorte de ceinture lumineuse.
Le cube arrêta sa progression. Il sétait immobilisé dans les airs. Le peuple des géants, ce reste dhumanité, eut un léger murmure. Que pouvait bien être ce cube, et que contenait-il ? Pendant tout ce temps, Jean était resté près de lémetteur. Il attendait dautres informations. Le temps égrainait ses secondes... Un autre message lui parvenait.
" Père, regroupez les géants. Quils se mettent en file de cinquante personnes ! Dégagez-nous une aire de mille deux cents mètres de circonférence pour que nos navettes puissent se poser... Dites bien à vos amis que, lorsque nous approcherons de votre camp, il vous faudra mettre vos faces contre le sol. Sans quoi, vous risqueriez dencourir de graves dommages... Attendez lordre des pilotes pour monter à bord... Encore une chose, ne laissez pas la panique semparer des géants... Vous ne courez aucun danger tant que vous vous conformez aux directives... "
Jean fit part de ces directives à tous ses amis, et des files de géants se mirent en place tout autour de laire qui avait été balisée...