#Blauberg3
Une fois quil eut fermé la porte de son bureau, Blauberg sassura que le verrou était bien mis.
Il se dirigea vers la fenêtre, et tira les épais rideaux de velours bleu qui pendaient de chaque côté. La pièce se trouva plongée dans une semi-obscurité...
Connaissant les moindres recoins de son bureau, Blauberg sapprocha de lun des murs. Il fit un large geste de la main, et le mur sentrouvrit...
Son visage fut illuminé par le clignotement des quelques centaines de micro-lampes qui sallumaient et séteignaient avec frénésie... Blauberg jubilait. Il avait enfin retrouvé celui que lon cherchait...
" Blauberg au rapport ! Matricule 888-129-324 ! Celui que nous cherchions, sest fait connaître selon nos désirs... Attendons instructions... "
Une sorte dhologramme sortit du panneau lumineux... Limage navait rien à voir avec ce qui existait ici bas. Tout juste une sorte de plasma lumineux. Rien dautre... Une voix se fit entendre...
" Nous avons bien reçu votre rapport, matricule 888-129-324... Désormais, nous pouvons suivre le sujet dans ce monde... Restez prêt pour de nouvelles instructions... "
Le Docteur se dirigea vers son fauteuil. Il reprit la pipe quil avait posée. Il sassit. Il attendrait... Il navait plus que ça à faire...
Sur le chemin qui le ramenait chez-lui, Jean repensa à sa rencontre avec Blauberg. Il était venu chercher des explications, mais il était reparti du centre de recherche avec dautres questions sans réponses...
Enfin, se dit-il, il verrait bien ce qui se passerait la semaine suivante, lors de l'expérience. Il fallait garder confiance...
Jean fit un long détour avant de revenir chez lui. Il voulait être seul, pour repenser à toute cette histoire... Et si tout devait se passer comme dans ses rêves ? Qui était-il, pour quon le prévienne des périls du monde ?
Le sentiment davoir une mission à réaliser fut encore plus présent. Il fut assuré quil ne pouvait y avoir de place pour le hasard. Des certitudes prirent place dans son esprit... Ainsi, que lexistence du Grand Rêveur...
La porte de son appartement était fermée. Stella devait être sortie... Machinalement, il sortit son trousseau de clef de sa poche. Mécaniquement, ses doigts choisirent lune delle. Il la plaça dans la serrure. Le verrou restait fermé, la clef ne fonctionnait pas. Il fit une autre tentative, mais ça ne fonctionnait toujours pas... Il observa la clef. Il ne lavait jamais vue. Peut-être que Stella... Et puis son esprit curieux fut attiré par cette clef. Elle avait un aspect étrange, ne ressemblant en rien avec celles qui étaient vendues dans le commerce. Stella... Certainement que cétait une idée de Stella. Elle devait savoir à quelle serrure cette étrange clef appartenait...
Stella était une belle femme. Elle avait beaucoup dimagination. Elle était attirée par tout ce qui était beau, avec de la valeur ou en toc. Pour elle, lessentiel était, que cela devait toujours avoir le plus bel effet... Pour le reste, cela navait pas dimportance...
Une autre clef glissa dans le barillet. Ce fut la bonne...
Il pensait quil devait tout raconter à Stella. Peut-être ne comprendrait-elle pas toute lhistoire, mais il ne risquerait rien à tenter de le faire. Ensemble, ils pourraient comprendre, même les zones dombres qui subsistaient encore dans lesprit de Jean...
La porte souvrit...
" Stella ? Stella, tu es là ? Cest quoi ce machin sur mon trousseau de clefs ? "
Aucune réponse. Il répéta son appel. Jean se dirigea vers le salon. Il découvrit Stella, allongée sur le divan. Elle écoutait un holéophone...
Sa tête tanguait au rythme de la musique. Les couleurs envahissaient la pièce. Elle avait les paupières à demi-fermées sur ses grands yeux. Par moments, elle gloussait un mot... Elle devait simaginer être cette star quelle vénérait...
Il la secoua énergiquement. Stella sursauta violemment. Pour elle, le rêve était fini.
" Et bien alors ? Sécria Jean. Tout le monde peut entrer comme dans un moulin. Tu aurais pu brancher lavertisseur de présence ! "
Stella baissa ses grands yeux de biche, qui commençaient à shumidifier avec lémotion. Elle pensait que le butor allait encore sermonner...
" Cest quoi ce machin ? " Il lui montrait l'étrange clef...
" Un voyageur de commerce est passé lautre jour. Il me proposait des tas de trucs. J'ai craqué pour celui là... Elle tint la clef dans sa main, sarrêta une seconde, et reprit... Tu sais comme ils sont, ces gens là. Ils te disent toujours que tu fais le bon choix, quand tu leur achètes quelque chose... "
" Tu ne sais pas ce que cest ? Ma pauvre fille, tu achètes vraiment nimporte quoi. Il serait temps que tu sortes de ton infantilisme. Autrement, tu névolueras jamais... ".
Stella haussa les épaules. Elle feignait de ne rien entendre... Elle avait lhabitude de ce genre de réflexions... Puis, sortant un moment de son état mélancolique, retrouvant ce sourire narquois dont elle avait le secret, elle prit Jean par la main, et lui dit :
" Ah, joubliais... Jai une autre surprise pour toi! "
Jean se gratta la tête. Quavait-elle pu encore imaginer ?
" Tu vas être papa... "
En prononçant ces dernières paroles, elle sautilla sur ses deux belles jambes effilées, tapant dans ses mains, comme une joyeuse petite fille... Elle était assurée que Jean sauterait de joie. Il avait tant attendu ce moment. Et puis, cétait la meilleure solution, pour que le savon glisse dans la trappe de loubli...
Effectivement, comme Stella lavait espéré, Jean laissa sa colère de côté... Il oublia le trousseau de clefs, qui chuta sur lépaisse moquette du salon. Il resta planté là, sans dire un mot... Et puis, comme ça, lui aussi, se mit à entamer la même danse frénétique. Il se jetèrent dans les bras lun de lautre. Stella avait encore marqué un point. Le loup se changeait en un agneau paisible...
Une semaine passa. Les nouveaux parents firent des projets. Jean avait presque oublié son rendez-vous avec Blauberg. Mais, un matin, une lettre lui fit rappeler lentrevue...
Blauberg reçut Jean, non dans son bureau, mais dans une autre pièce. Cet endroit avait un drôle daspect...
Ce laboratoire, comme le définissait Blauberg, il lavait conçut lui-même. Il semblait être constitué dune sorte de matière blanche et translucide. La pièce navait pas de fenêtres, et pourtant, la lumière était présente...
Au centre de la pièce, une table avait été disposée, construite avec la même matière qui recouvrait les murs. Tout était dune grande austérité. Aucune ressemblance avec un laboratoire de recherche. Pas de tubes, de serpentins, de machines compliquées. Rien quun grand dénuement...
Blauberg lui demanda de sallonger sur la table. Ce que Jean fit sans aucune hésitation.
Lorsquil fut installé, la lumière ambiante diminua dintensité. Seule, la table sur laquelle il était allongé, était encore baignée dune petite source de lumière.
Blauberg se rapprocha de Jean. Il étendit une main au-dessus du corps de Jean, et dun coup, Jean sombra dans linconscience...
" Vous ne ressentirez plus aucun effet désormais. Vous allez suivre mes paroles. Ce qui va vous être dit, vous devrez le garder en vous, pour un moment encore. Ne cherchez pas à savoir doù vous viendront certaines révélations. Nous vous donnerons les détails qui vous guideront dans la réalisation de votre mission... "
Le visage de Blauberg sillumina. Sans quil eut prononcé de nouvelles paroles, lesprit de Jean se remplit de signes, de lettres, et dautres formules. Une chose étrange sintégra dans son âme. La clef ! Limage de la clef. Il avait les informations dans sa tête. Il aura le fin mot de lhistoire... Une fois quil aura retrouvé ses esprits...
Le visage de Blauberg redevint normal. Ses petits yeux se couvrirent... Il inspira fortement, comme sil se défaisait dune force quil ne pouvait plus contenir. Il refit le même geste quau début de son intervention... Jean retrouva sa conscience...
" Cest tout ? " Demanda Jean.
" Oui ! Cest tout pour le moment. Ne men demandez pas davantage. Les explications se trouvent en vous. Pour ma part, je nai pas reçu dinstructions, pour vous en faire savoir davantage... Il se caressa le menton... Mais, jen ai trop dit. Il faut que je me repose un peu. Je nai plus lhabitude de ce genre dexercice... "
Jean était intrigué. Voilà toute la science, et lexpérience de Blauberg ? Il navait rien senti, rien ressenti. Par contre, Blauberg, lui, semblait être dans un état... Certainement que Blauberg savait ce quil faisait...
" Il faut que vous partiez. Ma mission est terminée. Je vous demanderais de ne plus chercher à me rencontrer... Moins vous saurez de chose à mon sujet, et plus grande sera votre chance de réussir votre mission... "
Jean ne voulut pas le contredire. Il prit congé de son hôte, et lesprit encore sous le coup des questions qui sentrechoquaient dans sa tête, sen retourna vers ses pénates...
Blauberg regagna son bureau. Comme il lavait fait la première fois, il se dirigea vers le mur. La pièce se replongea dans lobscurité. Les lumières se remirent à clignoter...
" Informations délivrées. Permission de réintégrer la matrice... "
Lhologramme refit une apparition...
" Permission accordée... Portez-vous vers le point vecteur OMEGA 8... Fin de transmission ! "
Blauberg appela la femme qui lui servait de gouvernante.
" Rassemblez toutes mes affaires, faites des cartons, je quitte le pays... "
" Mais Monsieur, cest si soudain... "
" Ne discutez pas. Vous annulerez aussi tous mes rendez-vous! "
" Tous ? "
" Oui, tous... Vous appellerez aussi lagence... Pour la maison... " Blauberg regarda la vieille femme. Elle avait le visage figé par la peur et lémotion. Elle devait penser que Blauberg venait de perdre la raison. En trente années, de bons et loyaux services, elle ne lavait jamais vu aussi excité... " Pour la maison, appelez aussi Maître Larchez... Il sait ce quil a faire... " Il prit la vieille femme par la main... " Ne vous inquiétez pas. Tout va bien... "
" Bien Monsieur. Je vous prépare des valises ou vous prendrez les malles ? "
" Rien de tout ça Francesse... Rien de tout ça. Préparez-moi seulement un sac avec quelques affaires. Je marrangerais du reste. Maintenant allez ! Jai encore une tonne de travail à faire "
Elle sortit du bureau en grommelant. Avant de fermer la porte, elle fit mine de poser une dernière question...
" Allez ! Vous dis-je, lui dit Blauberg en faisant un geste de la main. "
La porte se referma sur Blauberg. Une fois quil fut seul, il ouvrit tous les dossiers de ses patients. Il se dirigea vers la cheminé, les entassa et y mit le feu. Pendant que les liasses de papiers sembrasaient, il se dirigea une nouvelle fois vers le mur aux lumières. Il enleva un des éléments qui composaient la console... Un cube vert !
Il retourna vers la cheminée, sassura des cendres, puis, retourna vers le bureau. Un dernier coup dil... Ce qui restait là, navait pas dimportance. Il tâta la poche de son veston. Le cube, il lavait...
" Francesse, ça y est, vous avez mon sac ? "
Francesse arriva en courant le plus vite quelle put...
" Oui, Monsieur... Mais, où allez-vous ? " Elle jeta un il vers le bureau, et vit les cendres dans la cheminée, puis elle reprit :
" Vous partez déjà ? "
" Oui ! Et que Dieu vous garde, Francesse... "
Francesse se gratta la tête. Son Maître était devenu cinglé...
" Monsieur ! "
" Oui, Francesse ? "
" Rien... "
Elle le vit séloigner sur le chemin de gravier blanc. Elle lui fit un geste de la main. Il ne se retourna pas. Juste une main levée pour lui dire adieux...
Blauberg arriva à OMEGA 8. Le lieu était à mille lieux de toutes habitations. Il posa son sac par terre, et aussitôt, une grande lumière lenveloppa, comme un éclair. Blauberg disparut du monde à jamais. Exit celui, qui pouvait donner des réponses à Jean.