#un autre monde3

En fait, ils ne bougèrent pas, mais, ce fut l’univers entier qui se déplaça, spiralant autour d’eux de plus en plus vite. Ils purent découvrir ainsi les mondes inconnus qui se trouvaient en bordure de l’infini. Des lumières étranges, des mondes oubliés, striaient l’espace intergalactique, se croisant, se chevauchant dans une ronde infinie.

Il ne savait pas où ils allaient. En quel endroit allait-il se retrouver ?

La vitesse du vaisseau de lumière devint de plus en plus grande. L’espace, qui l’instant d’avant se trouvait tout autour du vaisseau, se resserra, comme s’il avait été pris de convulsions. A mesure que la vitesse augmentait, l’univers se rétrécissait, jusqu’à ne plus tenir que dans une sorte de petite lucarne qui se trouvait devant leurs yeux.

Autour, c’était le rien. Rien que l’enveloppe de l’observateur. Il ne savait pas ce qu’ils étaient devenus. Sa seule certitude était, qu’ils étaient en vie.

Tout s’accéléra encore, comme si cela ne devait pas avoir de fin. Puis, d’un coup, l’univers condensé fut traversé par un éclair. L’espèce de petite lucarne, qu’était devenu l’univers, se brisa en mille morceaux, se dispersant dans l’infini éternité. Le kaléidoscope géant ne dura qu’un temps limité. Puis, les morceaux reprirent leurs places. L’univers s’était reformé. Chaque chose était à sa place. La vitesse du vaisseau de lumière continua à s’accroître... Défiant toutes les lois de la physique, ils allèrent plus vite que l’univers, plus vite que la lumière, mais n’explosèrent pas, et n’en sortirent pas non plus. Au contraire, ce fut comme si l’univers s’était figé, que le temps n’existait plus. La seule chose qui parut bizarre, ce fut cette impression d’inversion. L’univers était comme retourné sur lui-même.

Après un extraordinaire défilement d’images et de couleurs, ils arrivèrent devant le seuil d’une maison.

Elle était comparable à ces maisons de style colonial de Caroline du sud. Blanche, avec des colonnes énormes, majestueusement plantées sur le patio couvrant l’entrée de la demeure. La végétation, qui l’entourait, avait su la ceindre avec douceur. Les senteurs odorantes embaumaient les lieux, leur conférant une impression de calme, de sérénité, comme jamais l’homme n’en avait connu. Même la musique était présente. Elle venait de nulle part, vagabondant entre les arbres et les massifs de fleurs qui se trouvaient autour de la maison.

La lumière rose doré libéra les voyageurs de leur cocon. Ils étaient arrivés à destination. L’homme fit quelques pas, pour voir si ce monde était bien réel. Il s’agenouilla, pour ramasser une des fleurs qui couvraient ce jardin magnifique. Il la porta à ses narines, et s’aperçut que le parfum de cette fleur ne pouvait pas être irréel. Toute cette histoire était étrange, et, la réalité le devenait de plus en plus. Sa compagne le regarda faire, puis, elle lui dit :

" Maintenant, je crois que ton esprit est assez fort pour comprendre ce monde. Tu vas pouvoir vivre ici sans problème. Je t’avertis tout de suite, que le pouvoir de création qui t’avait été octroyé, n’a aucune influence ici. Par contre, trouve la raison de ta présence en ces lieux. Cherche à comprendre le sens de ta voie... Et lorsque tu l’auras trouvée, le moment venu, je me manifesterai de nouveau. Si jamais tu devais succomber à cette épreuve, je te proposerai de rester parmi nous, ou de retourner dans ton ancien monde. Si jamais tu choisissais cette voie, alors toute cette aventure ne serait pas inscrite dans ta mémoire ! N’oublie jamais, que tu restes seul maître de ta destinée, et que seul Celui qui sait, peut encore influencer ta décision. Mais pour cela, il te faudra le chercher. Pour ce que tu as à entreprendre, je ne te souhaite pas bonne chance, car pour ce genre de mission, la chance n’existe pas. Un conseil seulement ! Use de cette sagesse qui était la tienne avant que tu ne sombres dans le désespoir. Elle ne t’a jamais quittée. Elle est enfouie au plus profond de ton âme, attendant de refaire surface ! Maintenant, va au devant de ta destinée. Nos espoirs résident en toi. Prends bien garde de ne pas tomber dans les pièges tendus par l’ignorance, car ils ont déjà fait renoncer plus d’un, de ceux que "  Celui qui sait " m’avait envoyé chercher ! "

 Ces derniers mots prononcés, la femme s’entoura de la bulle de lumière, et disparut de ce nouveau monde. Son compagnon de voyage resta là, planté dans le jardin de la propriété du milieu de l’univers... Il ne sut plus que penser...

 Il se rappela, qu’il avait fuit le monde et sa civilisation décadente, justement pour ne plus avoir à faire à cette autorité désuète qui voulait l’asservir. Il avait juré que sa liberté était sa seule possession. Aucune institution ne pourrait jamais la lui reprendre. A ce moment de son histoire, il se trouvait quelqu’un pour lui rappeler ses devoirs. Il avait une tâche à accomplir, et cette tâche il ne l’avait pas choisie. Quelle était cette mission qu’il devrait remplir ? Elle ne l’avait même pas mis sur une piste ! Et puis, qui pouvait être ce mec : " Celui qui sait " ? Il n’en avait jamais entendu parler. Il en avait assez de toutes ces questions. Alors, il laissa, là, tout ce train d’énigmes. Il verrait plus tard si elles méritaient d’être résolues. 

 Il se sentit attiré par cette demeure majestueuse. Elle lui tendait les bras, semblait être hospitalière. Pour rien au monde, il n’en serait allé au loin de ce lieu paradisiaque qu’on lui avait donné le loisir d’habiter. 

 Il gravit, une à une, les marches qui menaient au perron. La porte d’entrée était ouverte sur un immense hall, des fenêtres laissaient filtrer les rayons d’une lumière qui émanait de nulle part. L’intérieur de la maison était comme l’intérieur d’une cathédrale, tant les voûtes de son plafond étaient hautes. Les murs étaient recouverts d’une riche décoration, avec des motifs ressemblant à une écriture inconnue. Par endroits, ces inscriptions avaient été effacées par l’outrage du temps, et laissaient des phrases dessinées, comme suspendues dans le néant. La poussière avait recouvert le sol, s’élevant en petits nuages, à chaque pas qu’il faisait. Elle avait la particularité d’être rouge, alors que tout le sol de ce monde était vert. Par endroits, des petits monticules, plus épais, lui faisaient penser, que des meubles devaient s’être trouvés là. Certainement que cette demeure avait été désertée depuis fort longtemps, pour se trouver dans cet état. Ceux qui l’avaient habitée, devaient s’en être allés chercher d’autres horizons, sans espoir d’y revenir un jour. 

 En faisant le tour du propriétaire, il s’aperçut de la vétusté de la maison. Certaines pièces étaient dans un état de délabrement qui demanderait des travaux se montant à une somme astronomique. Cette dernière réflexion le fit subitement éclater de rire ! Pris sous le charme de la maison, il avait oublié qu’il n’était plus dans son ancien monde. Ici, toutes les notions matérialistes n’avaient plus cours. La seule chose qu’il avait à faire, c’était de se concentrer. D’imaginer ce que pouvait devenir cette demeure... Et en un clin d’œil, tout serait remis en état ! Aussitôt dit, aussitôt fait se dit-il !

 Malheureusement, il avait oublié ce que lui avait dit sa compagne de voyage. Qu’en ce lieu, il n’avait plus ce fabuleux pouvoir. Alors, se résignant à son triste sort de propriétaire d’une immense ruine, il entreprit un grand nettoyage des pièces qui pouvaient être remises en ordre avec les moyens du bord. 

 C’est alors que la maison se manifesta. Au contact de l’homme elle se mit à vibrer... Comme si elle était vivante, et que la présence de l’homme l’avait fait renaître.  Il n’y avait que dans les films d’horreur, que l’on pouvait voir ça, se dit-il. Et si la maison me dévorait tout cru ?

Mimant ce que pouvait faire la maison, Théodore avait pris l’aspect d’un ogre gigantesque. Johanna s’était cachée derrière l’épaule d’un des enfants qui, plus âgé, souriait au fantastique de l’histoire. Théodore s’approcha de lui pour chercher Johanna, et avec ses mains en forme de griffe, il tenta de l’attraper. Elle esquissa une larme. La peur devenait plus grande. Alors Théodore se releva, l’air dédaigneux... Tournant le dos à Johanna, il dit.

" As-tu déjà vu une maison qui mange quelqu’un ? "

Il se retourna doucement vers Johanna. Les autres enfants firent de même, attendant la réponse de la petite fille. Elle osa sortir la tête au-dessus de l’épaule de son petit copain, et essuyant ses larmes, muette, elle fit signe que non avec la tête. Tous les enfants éclatèrent de rire, et Théodore se retournant de dire.

" Moi non plus ! "  Et s’unissant aux rires des enfants, il reprit le cours de son récit...

" Les quelques jours qui passèrent, n’avaient pas laissé le temps au voyageur, pour trouver une explication aux mystérieuses manifestations. Il était tout absorbé par la remise en état de sa nouvelle demeure.

" Mais, tout ce temps, il put ressentir cette force qu’il avait rencontrée. Elle se faisait chaque jour plus présente. Etait-ce la maison qui lui transmettait cette force ? Il ne parvenait pas à donner de réponse. Le mystère était toujours présent, et planait autour de lui, comme un gardien invisible.

" Un jour, la maison fut prête pour le grand réveil. Du moins, une partie de celle-ci, car il n’avait pas ressenti le désir, de restaurer l’intégralité de toutes les pièces. Comme s’il avait été poussé par quelques étranges affinités.

" Il se décida à ouvrir les grandes fenêtres du rez-de-chaussée. Le bon air entrait dans la maison, comme pour faire respirer des poumons, encrassés depuis des lustres. La luminosité du ciel de ce nouveau monde, avait cette étincelante clarté qui illuminait tout l’intérieur de la demeure. Les murs, aussi, se couvraient d’une peinture aux nuances irréelles. Jouant avec les ombres, les piliers et les corniches du plafond s’élevaient comme un deuxième ciel intérieur.

" Tous ces jours qui passèrent, il n’avait pas ressenti de fatigue.

" Au contraire, l’état d’excitation qui était le sien l’avait empêché de se reposer, et il ne s’était pas aperçu de la lassitude que rencontrait son corps. C’était comme si ce qu’il venait d’accomplir, devait être salutaire pour lui, comme pour la maison. Et que, somme toute, cela devait être une expérience qui donnerait ses fruits, plus tard. Ne pouvant plus tenir debout, il se laissa gagner par une juste fatigue. Il s’allongea près d’une des fenêtres, sur la rudesse d’une énorme dalle de marbre blanc, et les yeux prêts à s’embrumer du voile de Morphée, il contempla la venue du soir. Les étoiles du ciel de Juby apparaissaient les unes après les autres, suivies des deux lunes, toutes aussi resplendissantes que celle de son ancien monde. Mais là encore, la lumière, et ses effets, était différente. Les lunes avaient comme un aspect irisé de l’or qui les couvrait. Elles ne semblaient pas être froides comme celle de son ancien monde. Leurs couleurs se déplaçaient, comme si une légère brise soufflait sur la surface des deux lunes. Tout ce spectacle était bien fabuleux et propice à une soirée de veille, mais il n’en pouvait plus, il s’endormit. Le sommeil avait eu raison de sa résistance.

" Le lendemain matin, lorsqu’il ouvrit les yeux, il put voir, qu’un repas lui avait été servi. Une table avait été dressée dans la grande salle du rez-de-chaussée. Encore dans les vapeurs du sommeil, il s’efforça de bien ouvrir les yeux, et de se pincer, pour se convaincre qu’il ne rêvait pas. Non, ce n’était pas un rêve. Tout était bien là, à sa disposition. Il se mit rapidement sur ses deux jambes, et instinctivement il s’empressa de courir vers la porte, pour surprendre, celui ou ceux, qui voulaient lui jouer ce tour de passe-passe. Personne à la porte ! Personne autour de la maison ! Il cria, pour qu’on l’entende, mais il ne reçut en guise de réponse, que celle de l’écho de sa voix, s’en allant se perdre au loin. Plus interrogatif que déçu, il s’en retourna vers la table qui lui était destinée.

" Quelle table ! Des mets de toutes les régions de l’univers s’étalaient devant ses yeux. Des plats que, seuls, certains rois auraient pu avoir l’occasion de déguster. Et puis, toutes ces choses aux odeurs et aux saveurs inconnues, venant de mondes que l’on ne connaîtrait jamais, et qui, telles des ambassadrices venaient taquiner ses narines et son palais, c’était merveilleux. Qui aurait pu résister à pareille abondance de nourriture ? Pas lui en tout cas ! Ses yeux, ne cessaient pas de se remplir de toute cette luxuriante nourriture. Le ventre faisait appel par des gargouillis explosifs. Alors, se frottant les mains, il dit :

" J’ai quand même bien mérité une récompense ! Et puisqu’on me le propose mangeons ! "

" Il s’assit devant la grande table de chêne, regarda une dernière fois tout cet agencement de plats... Puis, comme s’il était devenu un ogre affamé, il s’empiffra de tout ce qui pouvait être à sa portée. Il mangea, but ainsi, jusqu’à s’en faire péter la panse. Grisé par tous les vins et nectars de l’univers, il finit par s’écrouler au fond du trône qui l’avait soutenu jusque là.

" Les bras tombants, il laissa glisser, d’entre ses mains, les derniers morceaux d’une denrée inconnue, et ce calice de cristal, d’où perlait le liquide bleuté d’un nectar divin. Un dernier rot, comme un enfant venant de téter le sein de sa mère. Son regard scrutait au travers des vapeurs épicées et alcooliques, comme pour se retrouver. Ses paupières étaient lourdes. Ne pouvant plus lutter, il s’écroula sur le sol.

" Il somnolait là, gisant sur le plancher, lové comme un nourrisson. Dans son sommeil éthylique il ne put voir l’apparition de la lumière rose qui précédait la venue de la femme.

" Elle venait de réapparaître, comme si elle se devait d’être une sorte de gardien. Il venait de s’en remettre à ses instincts, et cela n’était pas du goût de Celui qui sait. Il fallait, coûte que coûte, ne pas le laisser se perdre dans les aléas de son espèce. Il lui fallait évoluer vers ce qui devait être sa destiné. Sans quoi, tous leurs efforts auraient été vains...

" La journée se passait. Il continuait de dormir. Dormir encore et toujours, comme s’il avait un long retard de sommeil à récupérer.

" La nuit approchait et son état ne s’était toujours pas amélioré. La femme était toujours présente à ses côtés, manifestant aucune impatience. Elle se contentait d’attendre qu’il se réveille. Pourtant, elle se demandait, si celui qu’elle avait été chargée de conduire en ce lieu, ne se serait pas endormi pour l’éternité ? Elle le veilla encore toute une nuit, sans qu’il se soit aperçu de rien.

"  Le lendemain matin, la tête résonnant comme mille carillons, il se sortit enfin de son naufrage de la veille. Péniblement, il parvint à rapprocher ses mains de son visage. Tenant sa pauvre caboche il grommela :  Pourquoi ?

" Cette première parole, aussi pâteuse que lourde de sens, n’était pas pour étonner la femme qui se tenait à genoux près de lui.

Comme une mère, elle prit sa tête contre son sein, prête à le réconforter d’une mauvaise action qu’il venait de commettre, mais dont il ignorait le sens.

" Ne pense plus à cela, " lui dit-elle. " Je suis venue te rejoindre. Celui qui sait  m’a dit que tu aurais besoin de mon secours... "

 

" L’esprit encore embrumé, il ne parvenait pas à comprendre le sens de ces paroles. Tout juste se sentait-il un peu réconforté. Il lui sembla, qu’elle était toujours présente, quand tout allait mal. Mais il ne parvenait pas à comprendre ce qu’ils lui voulaient. Certainement, devait-il avoir une voie à accomplir, ou réaliser les desseins d’une quelconque entité qu’il ne connaissait pas. Mais personne ne l’avait encore mis sur le chemin de la compréhension. Normal, qu’il gaspille son temps en de simples actions ! Ce qui l’était moins, c’était ce sentiment omniprésent, que Celui qui sait devrait peut-être faire parler la foudre, pour que le destin s’accomplisse.

" N’avait-il pas demandé, que l’on enseigne à cet homme le sens des divers chemins qu’il devrait emprunter ? Certes, Celui qui sait connaissait la loi du libre arbitre, celle qui donnait à chacun le loisir de suivre ou de ne pas suivre son chemin... Avec toutes les conséquences que cela entraînerait. Mais pour notre homme, il semblerait que cette décision devait suivre une autre loi. Celui qui sait ne devait plus avoir de temps devant lui. L’éternité semblait se terminer, et personne n’en saurait rien. L’urgence faisait, que le voyageur devait se mettre en route ! Et sur la bonne voie ! Et qu’importes ses avatars, il serait, de toute façon, suivi par les envoyés de Celui qui sait.

Il n’était même pas conscient du danger dont il venait d’échapper. Il redressa les yeux vers sa compagne de voyage, et lui adressa un bonjour aux senteurs d’alcool.

" Quelle surprise de te trouver là, "  lui dit-il. " Es-tu là pour contempler ton œuvre ? "

"  Il semblait être plein d’une juste amertume envers la femme, comme s’il voulait qu’elle s’emporte, et lui dise enfin la Vérité. Il continua, s’emportant comme un enfant qui n’avait pu avoir ce qu’il avait désiré.

" Je vous ai bien eu... Tous autant que vous êtes ! Votre plan s’est envolé en fumée. Je ne suis pas différent des autres ! Il tentait de percevoir un signe d’agacement chez la femme. Elle resta impassible. Alors il reprit de plus belle... Qu’elle peut être cette expérience que vous menez sur des personnes qui ne vous ont rien demandé ? Vous venez dans leur vie, vous leur faites miroiter de belles choses, et puis d’un coup, (il claqua des doigts) vous leur retirez ce qu’ils avaient de meilleur, pour mieux les rendre coupables, d’être des hommes de rien. Pourquoi m’avoir fait découvrir toutes les possibilités que je pouvais avoir, et me les retirer par la suite ? Quel genre de monstre es-tu ? "

" La colère le faisait devenir écarlate. La femme ne s’en émut pas. Elle resta d’un calme sidérant. Etait-elle sûre qu’il devait encore être sous l’emprise de l’alcool ? Elle savait, au fond d’elle-même, que le temps se chargerait de l’impatience de son compagnon.

" Le temps, pouvait-elle lui dire qu’ils n’en avaient pas. La seule chose dont elle était sûre, c’était que, tout ce qu’il y avait de mauvais en lui venait de faire surface. Il venait de cracher tout son venin et, comme un gosse, il se mit à pleurer. Elle savait qu’en lui indiquant la route à suivre, il se mettrait en marche et qu’il effectuerait sa mission.

" Dans ses sanglots il continua à déblatérer toutes sortes d’insanités, voulant faire admettre aux manipulateurs de sa vie, qu’il ne les suivrait pas.

" Je ne suis pas comme un de vous autres ! " S’exclamait-il. " Ne pourriez vous pas me laisser tranquille ? Si je suis dans une sorte de paradis, et bien laissez-y-moi, et oubliez-moi ! "

" Il leva les yeux au ciel, pensant voir et entendre une semonce de Celui qui sait. Mais rien ne se passa.

" Tu parles de gens bizarres , reprit-il en marmonnant entre ses dents.  Ils te foutent dans un paradis, te donnent des pouvoirs formidables, et puis, pfuit, parce qu’un type nommé Celui qui sait le désire, ils t’enlèvent tout. D’ailleurs, je m’en fous ! Ils peuvent se les garder leurs foutus pouvoirs ! Et puis leur paradis aussi, qu’ils se le gardent... Hic... "

" Il venait de leur faire un bras d’honneur, dernière lueur d’un esprit revanchard, d’un révolutionnaire égaré dans les méandres d’un pouvoir invisible, qu’aucune armée n’aurait pu combattre.

" La douceur de la femme, la confiance qu’elle avait en son compagnon de voyage, tout cela devait être son cheval de bataille. Rien ne devait l’ébranler. Elle aussi avait une mission à accomplir. Mais elle était plus aguerrie aux guerres de l’esprit.

" Ce n’était pas la première fois, qu’elle l’avait suivi dans les aventures les plus tragiques qu’il avait dû endurer. Elle avait la certitude d’une mère, que cet enfant du monde avait en lui une grandeur d’âme qu’il ne soupçonnait pas, et que quelqu’un devait lui faire découvrir. Il avait refusé l’honneur et le pouvoir, alors que c’était la règle de son monde. Il avait fuit une société qui ne cherchait plus l’Amour, mais la réussite matérielle. Il avait rêvé d’un monde, où l’Amour serait la condition de la réussite, le critère majeur. Mais les Hommes ne s’aimaient plus, les uns les autres. Ils se possédaient les uns et les autres, les uns contre les autres.

" Maintenant qu’elle s’était révélée à lui, elle ne pouvait plus le laisser s’enliser dans le marécage de ses penchants humains pour la vie matérielle.

" Elle se devait de lui refaire découvrir le sens de l’Amour qu’il avait oublié, ne le trouvant plus autour de lui. Redécouvrir un amour sans passion, sans possession. Cela pouvait-il être possible ? Il restait quand même un homme, avec toutes ses qualités, mais aussi avec tous ses défauts. Serait-elle une mère possessive, une amante exclusive, ou une grande sœur accaparante ?

" Par le passé, elle avait déjà eu ce genre de travail à faire. Ceux qu’elle était venue aider, n’avaient pas compris tout le sens de leur voie. Mais elle ne pouvait être tenue pour responsable. Seul Celui qui sait tirait les ficelles. Elle n’en était que la messagère. Il ne lui laissait pas entrevoir tous les aboutissants de la Voie, se gardant le dernier mot pour la fin. Elle savait que, la seule façon de toucher une âme égarée, était de la sermonner un peu. La réaction, qui suivait, était alors la base de son action. Savoir ce qui pouvait être tiré des profondeurs des êtres qu’elle assistait, était l’assurance de la réussite de sa mission.

" Elle le regardait toujours. Lui, encore dans ses bras se laissait aller, le vague à l’âme, comme s’il n’avait plus aucun grief envers qui que ce soit. A ce moment, elle sut qu’elle pouvait parler, que les paroles prononcées pourraient être entendues par son compagnon.

" Celui qui sait m’a envoyé vers toi une nouvelle fois, et ceci pour que je te serve de guide dans ce monde. Il semble, que tu ne fus pas assez préparé pour te rendre en cet endroit. Nous en assumons donc la responsabilité. Mais, je t’en prie, cherche à comprendre ce désir qui nous anime et qui nous a permis de te choisir..."

" Il remarqua, que le ton de la voix de la femme avait changé. C’était comme si elle venait de perdre l’assurance dont elle faisait preuve auparavant. Même, l’éclat de ses yeux avait perdu de sa force. Il lui coupa la parole, comme pour mieux la déstabiliser, et lui intima l’ordre de lui donner des réponses à toutes ses questions. Faute de quoi, il les laisserait tous tomber, comme des vieilles chaussettes. Il espérait qu’elle s’emporterait. Elle, au contraire à ce qu’il espérait, restait cette douce apparition aux yeux pleins d’amour.

" Bien entendu, tu n’as jamais rien demandé. C’est ce que tu te dis, mais dans la profondeur de tes sentiments, n’as-tu jamais prié fortement, pour que ton sort soit meilleur ? N’as-tu jamais prié, que le sort de tes semblables puisse être moins tragique ? N’as-tu jamais ressenti le moindre regret sur tes agissements passés ? "

" Il l’écouta, les yeux grands ouverts, la bouche bée, muette, mais ne laissant passer aucun mot. Il ne put donner de réponse, tellement tous ces arguments étaient soudains. Voyant qu’il était pétrifié par ses paroles elle reprit :

" Oui ! Certainement, as-tu des remords. Tu t’en veux, d’avoir fait partie intégrante d’un système qui ne te convenait pas. Chaque jour qui passait, tu le refusais de plus en plus, et cela malgré l’amour que tu portais aux tiens. Tu avais en toi, la rage de voir ce monde s’enfoncer dans les erreurs de jugements les plus terribles. Tu pestais, de voir les dirigeants commettre des actions folles. Tes congénères devenus impuissants, sourds et aveugles se laissaient mener de telle sorte. Nous avons entendu tes doléances, tes cris de rage, et nous avons mis du temps à intervenir prés de toi... Ne fais-tu plus confiance à personne ? Mais, nous sommes là, ensemble. Si tu le veux, accorde-moi ce qui te reste de cette confiance, et je te montrerai ce qu’est le chemin qu’il te reste à parcourir. Cette route que nous pouvons le suivre ensemble. C’est toi qui décides ! "

" Il était toujours sans voix. Il sentit sa pomme d’Adam faire des ricochets dans sa gorge. Une intense émotion s’empara de lui. Ses yeux s’humidifièrent, et pour un peu il se serait mis à pleurer. Il venait d’échouer, dans son désir de faire perdre sa constance, à celle qui l’avait amené en cet endroit. Elle venait de le sermonner, mais avec douceur. Avec cette délicatesse qui lui allait si bien. Alors, pour parfaire ce sentiment qui l’animait, elle s’empressa de le serrer plus fort contre elle, le berçant comme un enfant à consoler. Il sentit battre son cœur rassurant, et laissa s’évanouir la tristesse qui s’était emparée de lui.

" Ils restèrent ainsi dans les bras l’un de l’autre, jusqu’à ce qu’il se remette debout. Ensemble, ils se relevèrent, comme si le défi fut, lui aussi, relevé.

" Quelque part, au fond de lui, il avait retrouvé le sentiment perdu : l’Amour. Il en eut peur, mais ne s’en soucia pas. Une force plus grande que la peur venait de l’envahir, et une chaude tendresse remplit son cœur. Ce changement fut si soudain, que même la femme fut surprise de la quantité émotionnelle qu’ils dégageaient ensemble. Un changement venait de s’opérer. La mère faisait place à l’amante.

" Leurs regards se croisèrent, jusqu’à se fondre l’un dans l’autre. Sans qu’une parole fut prononcée, chacun d’eux pouvait ressentir les sentiments de l’autre. Partage des émotions. Intensité d’un amour enseveli durant de nombreuses années, et qui ne demandait qu’à réapparaître, guéri des maux qu’il avait endurés.

" Pour elle, la surprise fut plus grande encore, car Celui qui sait ne lui avait pas dit ce qui se passerait. Elle avait tant été la mère de ceux qu’elle avait aidés, qu’elle ne se souvenait plus, de ce que pouvait être le sentiment d’amour entre un homme et une femme.

"  Elle aussi, avait oublié sa condition de femme, pour devenir un archétype de la mère. Deux sentiments amoureux, aussi différents, mais qui avaient la même origine. Plus curieux encore, fut cette transformation qu’elle ressentit. Aucun sentiment de culpabilité. Ce qui se passait, était normal. Elle devenait son égal. Ensemble, ils ne feraient plus qu’un amour pour l’Amour.

" Comment, deux êtres, aussi éloignés l’un de l’autre, tant par l’espace que par le temps, peuvent en un instant se retrouver, échanger leurs âmes et se fondre dans une parfaite unité ? L’un avait abandonné tout espoir. L’autre, au contraire, faisait naître ce sentiment. Celui qui donnait ce qu’il avait, à celui qui n’avait plus, recevait ce qu’il avait concédé à l’autre, sans que rien ne manque.

" Ils se caressaient l’un l’autre du bout des doigts. Sur des corps si différents, la découverte vibrante, muette aux émotions, transcendait toutes paroles. Uniquement des sensations... Des images fugitives... Pour chacun de ces deux êtres, ne restait que la recherche des explications au plus profond de leur passé. Mais dans ce cas, aucune image. De l’émotion pure, sans raison. La chaleur d’un feu brûlant au centre de la poitrine... Irradiant tout le corps, le faisant frissonner comme s’il était glacé. Les corps chauds, frémissants, entrelacés, ne se quittent plus. Leurs yeux étincelants se mirent l’un dans l’autre, humides d’émotion non retenue. Que leur reste-t-il à partager, que leurs lèvres tremblantes d’amour, apeurées des mots d’amour qu’elles pourraient prononcer... Les yeux se ferment, pour que chacun des amants ressente plus profondément ce sentiment tellement recherché. Qu’ils en boivent l’essence jusqu’à en être saoulés ! Griserie de cet instant neuf de l’Amour, où le temps s’arrête pour faire place à l’éternité de l’Amour... Les cœurs s’emballent. Les gestes se font moins précis. Le feu dévorant d’un sentiment si longuement refouler, déferle sur les deux nouveau-nés de l’Amour. Ils se perdent. Ils se noient. Mais ils sont unis dans leurs sentiments. Rien ne pourrait plus se passer, qui ne dérange leurs desseins.

" Les deux corps étendus sur le sol côte à côte, s’étreignent encore et encore, libérant les clefs d’un futur possible. Alors, le sentiment se fait plus grand encore. Les paroles échangées, ne sont plus que de brefs sons remontant à la plus ancienne génération de ces deux êtres. Ils n’ont pas le même langage mais se comprennent. A chaque son, est attribué un acte. Le même pour tous ! Tous pour le même. Une impulsion venue d’ailleurs, sans raison que celle du cœur en ébullition prêt à exploser. Mourir d’amour, rempli d’une débordante affection. Ne rien perdre de ces quelques instants magiques, où la vie et la mort n’ont plus de raison d’être. Oh ! Temps, suspend ton vol, que cet instant soit à jamais éternel.

" Ils furent si forts l’un dans l’autre, que même la maison tout entière se mit à vibrer. Les pièces encore obscures se mirent à s’illuminer d’une clarté indéfinissable. Tout redevint beau, simplement, comme par miracle.

" Mais, rien ne saurait être éternel, même leurs nobles sentiments. Ils ne pouvaient rester dans cet état de béatitude, sans que la voie soit accomplie. Elle fut la première, à se rendre compte qu’autre chose devait être fait. Ils devaient marcher ensemble sur cette route commune et elle avait encore tant de choses à lui faire découvrir.

" De sa fine bouche, elle laissa sortir un dernier souffle amoureux. Son corps était recouvert d’une fine pellicule moite et salée, dont quelques gouttes s’en allèrent se poser au creux de son ventre encore chaud.

" Il la caressait encore, cherchant les derniers moments de chaleur, goûtant sa peau vibrante sous le joug de ses baisers brûlants. Elle prit encore sa tête entre ses mains si fines, perdant ses doigts dans sa chevelure. Elle se cambra encore une fois, pleine du désir qui la tenait... Que rien ne s’arrête ! Tant de désir ne pouvait s’éteindre en un instant. Le feu, s’était déclaré et les rongerait, jusqu’à ce qu’il ne reste plus une seule partie de leurs deux corps qui ne soit consumée. Il l’étreignait encore. Ne pas la lâcher ! Ne pas la perdre ! Ou la perdre pour toujours ! Ses longs cheveux d’or collaient sur ses joues rosies. Sa langue passa sur ses lèvres sèche. Elle ferma encore les yeux, se laissa aller dans un mouvement de balancier. Ses bras se refermèrent sur les épaules de son amour découvert. Ses cuisses blanches enserrèrent les hanches de son compagnon, jusqu’à lui en faire perdre le souffle. Lui, la retenait, les mains au creux de ses reins d’albâtre, glissant sur sa peau ruisselante de désir. Alors, au moment où le désir les avait presque totalement consumés, une lueur étrange se fit jour entre eux. Sur le ventre de la femme une minuscule flamme prit de l’ampleur, jusqu’à les entourer complètement. Une couleur indéfinissable les entourait, et ce n’était pas comme cette lueur qui leur avait permis de venir dans ce monde. Elle était tout autre. Puis, comme elle était apparue, elle avait disparu. Un éclair aussi bref qu’intense.

" Le désir les avait parfaitement consumés. Ils se reposèrent sur le sol froid de la maison. Leurs deux cœurs battaient encore la chamade. La main dans la main, leurs regards ne se séparaient pas l’un de l’autre...

" Je ne veux plus te perdre ! "

"  La fin de cette journée arriva, et somme toute, elle venait de s’achever plutôt mieux qu’elle n’avait commencé. Demain serait un autre jour... Sûrement un autre jour d’amour...

" Au matin, les rayons du soleil de Juby vinrent se poser sur les deux corps entrelacés et encore emplis de la fatigue de la veille. Ils ouvrirent les yeux sur l’être aimé, comme s’ils ouvraient les yeux sur un nouveau monde. Ils esquissèrent un timide sourire. Il posa délicatement ses lèvres sur la joue de sa compagne. Un clignement des yeux, pour garder en elle un sentiment de bonheur intense. Les rouvrant, ils brillèrent plus qu’à l’origine. Elle mit ses longs bras autour du cou de son compagnon, et langoureusement elle l’embrassa...

" Bonjour amour, " lui dit-elle.

" Bonjour amour, " lui répondit-il 

" Ils se parlaient encore avec les yeux de l’amour, mais en ce nouveau jour, il fallait qu’ils fassent le point sur ce qu’ils allaient devenir.

" Pourquoi ne resterions nous pas dans ce monde merveilleux ? Dit-il. Nous avons tout ce que nous pouvons désirer. Tu sais ce qu’il faut faire, pour que tout apparaisse comme par enchantement. Et puis, avec toi, aidée comme tu es de Celui qui sait, nous n’aurions rien à craindre. " 

"  Un instant sa compagne sembla perdre l’expression du bonheur qui avait transfiguré son visage. Elle leva les yeux vers le ciel de Juby, comme pour chercher Celui qui sait. Il devait lui donner des conseils. Il ne lui avait pas fait connaître ce qui allait arriver. Elle se sentait coupable. C’était la première fois qu’une mission se passait de la sorte. Certes, elle en ressentait du plaisir, mais se sentait quand même coupable d’être revenue à des instincts qu’elle pensait avoir refoulés au plus profond de son être. Le malicieux invisible ne répondit pas. Elle pensa, qu’elle venait de perdre ses facultés de messagère. Elle aussi serait-elle laissée seule devant son chemin ? Elle commença à comprendre, ce qu’avait pu être l’origine de la colère de son compagnon, quand celui-ci avait été séparé de ses pouvoirs. Ils restaient tous les deux sans savoir combien de temps durerait ce traitement de faveur qu’il leur était attribué. Il n’y avait plus d’autres solutions, que de concevoir un avenir dans ce monde si enchanteur, où tout était redevenu harmonie. Ils avaient la chance de vivre un amour qui durerait une éternité.

" Les jours passèrent, sans que la flamme du désir ne cesse de brûler. Leur bonheur était complet.

" Un jour, pourtant, ils se rendirent compte, que quelque chose leur manquait. Tout cet amour qu’ils avaient l’un envers l’autre, ils ne pouvaient le partager, le faire savoir. Il n’y avait personne alentour pour les voir si heureux ensemble. Devaient-ils être égoïstes ? Cacher leurs sentiments ?

" Ensemble, ils prirent la décision, que seul un enfant, avec des yeux neufs, pourrait comprendre et recevoir leur amour. Partager, pour vivre au travers de celui qui reçoit. Ils pensèrent à tout ce temps qu’ils avaient été l’un en l’autre. Le moment de faire un enfant se serait présenté. Mais rien ne s’était passé. Ils ne comprirent pas ce qui était arrivé. Elle lui expliqua, que dans son cas, les choses ne se passaient pas ainsi. Certes avait-elle toutes les formes d’une femme comme celles qu’il avait connues. Mais, quant à concevoir un enfant, cela se passait différemment dans ce monde. Elle lui expliqua la chose le plus simplement que ses oreilles d’être humain pouvaient comprendre. La conception, telle qu’il la connaissait, n’était en fait que la suite d’une forte pensée émotionnelle, et que c’était cette pensée qui se manifestait plus tard dans la conception charnelle. Les êtres se construisaient, s’élaboraient dans la pensée des parents, pour se compléter et se réaliser au moment venu. Seuls ces êtres là, pouvaient atteindre la compréhension du partage de l’Amour. Si, par malheur, l’un des deux parents ne savait pas concevoir l’image de son enfant à venir, cet enfant serait à moitié formé, et ainsi séparé de l’amour de son parent. Elle lui fit comprendre la terrible responsabilité que cela comportait. Eux se partageaient parfaitement. Mais lui, était-il sûr de pouvoir élaborer un être et de se partager en lui, sans perdre sa compagne ? Il comprit, ce que pouvait être la tragédie d’une expérience ratée. Mais, il se sentait tellement heureux, qu’il était prêt pour affronter la terrible expérience de la conception d’un être de chair. Il venait de comprendre, que ce qu’il avait reçu comme pouvoir dans l’autre monde était, peut-être, les prémices d’une explication de ce qu’il avait à faire ici. Les pouvoirs ne lui avaient pas été retirés, mais mis en sommeil pour le moment venu. Ces pouvoirs, il ne devait pas s’en servir à des fins stériles, mais pour une cause dont il ignorait la finalité.

" Il lui fit savoir qu’il acceptait de connaître la façon d’opérer. Le moment était grave. Elle savait, que ce qu’elle allait tenter n’allait pas dans le bon sens, mais avait-elle le choix ? Ses yeux scrutèrent la profondeur de l’âme de son compagnon. Elle voulait être sûre. Puis, encore une fois, elle se tourna vers le ciel. Elevant ses longs bras, elle invoqua Celui qui sait... Qu’il l’aide en son jugement...

"  Des larmes perlèrent sur ses joues blanches, mais en même temps, un sourire se dessina sur son visage. Il remarqua la chose, mais ne s’en intéressa pas plus. Il voulut simplement connaître la décision de l’Invisible...

" Alors ? " Lui dit-il, les mains tendues vers elle. " Qu’est-ce qu’il en dit de tout çà ton patron ? " 

L’air un peu gêné, la mine dubitative, elle baissa les bras, et se retourna vers lui.

" Je crois qu’il est d’accord. Mais... ". Elle s’arrêta net, alors que ses yeux vinrent subitement à se retourner vers le ciel. Ce fut, comme si quelque chose ou quelqu’un venait de l’interpoler.

" Mais quoi ? " Lui dit-il. " Que veux-tu me cacher ? Ne sommes-nous pas décidés de tout partager ? "

" Elle était troublée. Elle ne savait quoi lui répondre. Deux sentiments combattaient en elle. Et elle ne pouvait rien dire. Il ne comprendrait pas. Plus tard saurait-il la vérité. Mais pour le moment, elle devait rester muette. Telle était la volonté de Celui qui sait ! La voie devait être parcourue, et qu’importe ce qui devait arriver à ceux qui chemineraient dessus. Passant par-dessus la terrible vérité qui resterait à jamais close en son sein, elle initierait son compagnon aux rites de l’enfantement.

Le grand rêveur ©Jean-Paul Leurion 1999-

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