#un autre monde4
" Ils restèrent encore un moment à contempler le ciel, espérant un nouveau signe. Mais rien ne se passa. Alors, ils décidèrent d’aller faire quelques pas autour de la maison, histoire de décompresser un peu. Ils s’aperçurent, qu’en fin de compte, ils ne se connaissaient pas vraiment. Tout était arrivé si vite qu’ils n’avaient même pas eu l’idée de savoir comment ils se prénommaient. Ils se dévisagèrent l’un l’autre, et soudainement éclatèrent de rire. Tout le drame de cette aventure venait d’exploser en mille morceaux. Elle, qui par nature semblait être si distante, redevenait une adolescente éprise, et prête à n’importe quoi. Lui, se sentait rajeunir, tout aussi maladroit qu’à son premier rendez-vous.
" C’est vrai ", dit-elle, nous trouvons nos interventions auprès des Hommes si naturelles, que nous oublions de nous présenter. Tu vois, dans notre monde, le nom n’a plus d’importance, nous l’avons oublié."
" Oublié qui vous êtes ? "
" Cette idée que des êtres pouvaient oublier leur prénom lui semblait très saugrenue. Lui, se rappelait très bien, qui il était, même si, de nombreuses années de solitude ne lui avaient pas permis de s’entendre appelé par son prénom.
" Moi c’est Jean ! "
" Il mit ses mains contre sa poitrine, comme si ce prénom était son seul trésor. Un instant, ses yeux cherchèrent comme une approbation dans ceux de sa compagne... Elle hésita un moment, puis, prenant les joues de Jean entre ses mains, elle lui dit.
" Je sais comment tu te prénommes. Je l’ai toujours su. Mais pour moi c’est tout autre. A chaque temps, correspond un nom que je peux porter..."
" Il la regarda, avec un point d’interrogation au milieu de la figure. Comment se pouvait-il que cette femme, si douce, si charmante, pouvait, en un instant, se complaire à dire qu’elle était le mensonge incarné ? Comment la croire, si elle pouvait changer de prénom tout le temps ?
" Attends ", reprit-il, Celui qui sait comment il t’appelle alors ?".
" Lui ? C’est différent. Il sait qui nous sommes. Il n’a pas besoin de nous nommer pour que nous accourions. C’est lui qui vient à toi, et qui te dit : Je suis là ".
" Jean se retourna et clama tout haut :
" Que Celui qui sait se présente ! Je suis là ! Elle est là ! Montre-toi ! "
" Il courut dans tous les sens, cherchant à attraper l’invisible compère. Ses paroles étaient mêlées d’énormes éclats de rires. Elle le regarda faire, et virevolta comme lui, lui tendant ses mains, comme pour participer à cette ronde insensée. Leurs rires se mélangèrent, et égayèrent le paysage. Jamais cet endroit n’avait connu autant de joie, qu’en ce jour où une terrible décision devait être prise. Essoufflés, ils s’écroulèrent par terre, dans les bras l’un de l’autre. Leurs rires complices s’estompèrent pour se perdre encore une fois dans un regard complice.
" Elle baissa la tête, comme si ce qu’elle allait dire était une bêtise. En fait, elle tentait de se rappeler.
" Vraiment, je ne sais quoi te dire. J’ai eu tellement de prénom à porter, que je ne sais lequel te plairait... "
" La mine renfrognée Jean lui répondit :
" Sais-tu, que le seul nom qui te convienne, est celui que portent tes yeux ? Ils sont comme mille éclats de lumière. Ils sont l’essence des couleurs de l’arc-en-ciel ! Pour moi, tu es la messagère aux yeux arc-en-ciel. Les deux iris de tes yeux te nomment plus que ce que tu aurais pu être et que tu ne seras jamais. Plaise à celui qui t’a envoyée, que ton nom, ici, soit celui d’Iris! "
" Elle s’interrogea. Iris ? N’était-ce pas un de ces noms de l’antique monde de Jean ? Soudain elle se souvint. Elle éclata de rire et de dit :
" Va pour Iris, mon cher Jean... "
" Et pour le récompenser, elle lui donna le baiser du vainqueur.